Thèmes à débattre

Guest  

Welcome Guest, posting in this forum requires registration.

Pages: [1]
Topic: De la lutte contre l’exploitation physiologique à la transformation écosocialiste du travail
admin
Administrator
Posts: 33
De la lutte contre l’exploitation physiologique à la transformation écosocialiste du travail
on: January 19, 2014, 19:43

VERSION CORRIGEE

41 651 signes


De la lutte contre l’exploitation physiologique à la transformation écosocialiste du travail


Laurent Garrouste


1- Introduction


La combinaison des crises sociales et écologiques provoquées par le système capitaliste appelle l’élaboration d’un programme combinant réponses sociales et écologiques, et non se contentant de les juxtaposer sans prendre la mesure de la révision qu’impose la prise en compte de l’impératif écologique. Le combat anticapitaliste sous peine de marginalisation et d’échec doit intégrer pleinement cette question. Son horizon même doit être redéfini, ce que traduit bien le terme d’écosocialisme apparu depuis quelques années.

Dans la mesure où la critique écologique du capitalisme débouche sur la nécessité de transformer profondément le système de production, il est en effet essentiel de pouvoir avancer une perspective de transformation qui non seulement ne se fasse pas aux frais des salariés et des exploités, eux qui ne sont en rien responsables des crises et catastrophes engendrées par ce système, mais qui leur bénéficie et dont ils soient le moteur. Cette perspective doit en outre constituer une réponse à la crise sociale profonde inséparable du capitalisme contemporain ; elle doit donc répondre au chômage, à la précarité, à la misère, et à la dégradation des conditions de travail et de vie d’une grande partie de la population.

La définition et la crédibilisation d’une telle perspective apparaissent comme une condition nécessaire pour que s’opère de manière féconde la synthèse des traditions issues du mouvement ouvrier et du mouvement écologiste. On peut penser qu’elle constitue un des défis essentiels à relever pour la reconstruction de ces mouvements aujourd’hui en crise profonde, qui se sont bâtis en extériorité et souvent en hostilité l’un à l’autre.

Au sein de ce programme, la nécessité d’une réponse écosociale unifiée sur les questions du travail et de l’emploi est décisive. La transformation du système productif vise à répondre à la fois à la crise écologique par une réorganisation de l’activité économique opérée de manière à régler écologiquement les échanges de l’humanité avec la nature, et à la crise sociale en garantissant le droit à l’emploi, le droit à la santé et le droit au temps libre de tous et toutes ; donc en bouleversant la direction de l’activité économique, les conditions et l’organisation du travail.

Plusieurs aspects de l’articulation entre écologie, travail et emploi sont abordés ici, ce qui nous paraît déterminant pour la construction d’une véritable écologie sociale. Tout d’abord, l’approfondissement de la théorie de l’exploitation doit permettre la prise de conscience qu’un même processus et une même logique conduisent à la destruction de la nature et à l’usure du travailleur. De même que le fonctionnement du capitalisme est en contradiction avec la prise en compte des contraintes écologiques, il ne peut respecter les limites physiologiques d’utilisation de la force de travail humaine nécessaires à sa préservation. Destructeur de la nature, il la détruit aussi en l’être humain, contraint de vendre sa force de travail, dont il use et mutile le corps vivant. Inconciliable avec les rythmes et régulations propres au vivant, le capitalisme déploie une logique à proprement parler mortifère. Second aspect découlant du précédent, la perspective de changement du travail doit être réaffirmée. La question du bouleversement des conditions de travail est indissociable de celle de son organisation et de celle de la propriété. Enfin, la nécessité de transformer l’activité productive, et donc de supprimer et de créer de nombreux emplois, doit être conciliée avec le droit à l’emploi, condition indispensable pour qu’une telle perspective soit portée par les travailleurs eux-mêmes.


2- Exploitation économique et exploitation physiologique du travailleur


L’exploitation de la nature par le capital consiste non seulement dans le pillage des ressources naturelles et les atteintes destructrices portées aux écosystèmes, mais aussi dans l’exploitation de la force de travail humaine. Force naturelle, vivante, la force de travail se définit comme « l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps de l’homme, dans sa personnalité vivante, et qu’il doit mettre en mouvement pour produire des choses utiles »1. Le travail vivant est au cœur du fonctionnement du capitalisme. L’apport de Marx est ici décisif : « La valeur du capital variable qu’il avance, [le capitaliste] ne peut la transformer en une valeur supérieure qu’en l’échangeant contre du travail vivant, qu’en exploitant du travail vivant »2. C’est la capacité unique de la force de travail humaine, « source vivante de valeur », à créer plus de valeur qu’elle n’en consomme qui permet l’existence de la plus-value accaparée par les capitalistes. Le salarié doit travailler bien au-delà du temps nécessaire pour produire l’équivalent permettant d’entretenir et reproduire sa force de travail. Ce travail extra non payé génère la plus-value, le salaire perçu par le travailleur étant en moyenne fixé au montant nécessaire pour assurer l’entretien et la reproduction de sa force de travail.


La définition marxiste de l’exploitation est économique : « Le taux de la plus-value est […] l’expression exacte du degré d’exploitation de la force de travail par le capital ou du travailleur par le capitaliste »3. Mais Marx s’appuyant notamment sur le matériau et les conclusions exposés par Friedrich Engels dans sa radiographie de la société anglaise4, détaille dans plusieurs chapitres du Capital les conséquences de la recherche de maximisation de la plus-value et du profit. Il montre que le capitaliste individuel va chercher à payer la force de travail en dessous de sa valeur, le procès de production capitaliste pompant le travail vivant sans tenir nul compte des limites physiologiques humaines. Il conduit ainsi à l’usure et à la mort précoce des travailleurs : « Il est évident par soi-même que le travailleur n’est rien autre chose sa vie durant que force de travail, et qu’en conséquence tout son temps disponible est, de droit, et naturellement, temps de travail appartenant au capital et à la capitalisation. Du temps pour l’éducation, pour le développement intellectuel, pour l’accomplissement de fonctions sociales, pour les relations avec les parents et amis, pour le libre jeu des forces du corps et de l’esprit […], pure niaiserie ! Mais dans sa passion aveugle et démesurée, dans sa gloutonnerie de travail extra, le capital dépasse non seulement les limites morales, mais encore la limite physiologique extrême de la journée de travail. Il usurpe le temps qu’exigent la croissance, le développement et l’entretien du corps en bonne santé. Il vole le temps qui devrait être employé à respirer l’air libre et à jouir de la lumière du soleil. Il lésine sur le temps des repas et l’incorpore, toutes les fois qu’il le peut, au procès même de la production, de sorte que le travailleur, rabaissé au rôle de simple instrument, se voit fournir sa nourriture comme on fournit du charbon à la chaudière, de l’huile et du suif à la machine. Il réduit le temps du sommeil, destiné à renouveler et à rafraîchir la force vitale, au minimum d’heures de lourde torpeur sans lequel l’organisme épuisé ne pourrait plus fonctionner. Bien loin que ce soit l’entretien normal de la force de travail qui serve de règle pour la limitation de la journée de travail, c’est au contraire la plus grande dépense possible par jour, si violente et si pénible qu’elle soit, qui règle la mesure du temps de répit de l’ouvrier. Le capital ne s’inquiète point de la durée de la force de travail. Ce qui l’intéresse uniquement, c’est le maximum qui peut être dépensé dans une journée. Et il atteint son but en abrégeant la vie du travailleur, de même qu’un agriculteur avide obtient de son sol un plus fort rendement en épuisant sa fertilité. La production capitaliste, qui est essentiellement production de plus-value, absorption de travail extra, ne produit donc pas seulement par la prolongation de la journée qu’elle impose la détérioration de la force de travail de l’homme, en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soit au physique soit au moral – elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force. Elle prolonge la période productive du travailleur pendant un certain laps de temps en abrégeant la durée de sa vie »5.

La consommation de la force de travail dans le procès de production conduit ainsi à la consommation des travailleurs eux-mêmes, à commencer par celle des « enfants des deux sexes » « consommés productivement », qui aujourd’hui s’est déplacée pour l’essentiel dans les pays du Sud. Complétant l’analyse dans le livre III du Capital, Marx met en évidence comment afin de maximiser le taux de profit, le capitaliste individuel va s’efforcer de rogner sur le capital constant mobilisé et ceci au détriment de la santé et de la sécurité des travailleurs : « En raison des antagonismes et des contradictions que recèle sa nature, le système de production capitaliste en arrive à compter au nombre des économies dans l’emploi du capital constant et donc au nombre des moyens d’élever le taux de profit, même le gaspillage de la vie et de la santé de l’ouvrier, l’avilissement de ses conditions d’existence. L’ouvrier passant la majeure partie de sa vie dans le procès de production, les conditions de ce procès sont en grande partie conditions du procès de sa vie active, ses propres condition de vie, et l’économie réalisée sur ces conditions de vie est une méthode pour augmenter le taux de profit ; exactement comme nous avons vu déjà précédemment au livre Ier, que surmener un ouvrier, le transformer en bête de travail, est une méthode pour accélérer la mise en valeur du capital, la production de plus-value. Cette économie va jusqu’à bourrer d’ouvriers des pièces étroites et malsaines ce qui, en langage capitaliste, s’appelle économiser des bâtiments ; entasser des machines dangereuses dans le même local et négliger les moyens de protection contre le risque d’accident ; ne pas prendre de mesures de sécurité dans les procès de production insalubres de par leur nature ou périlleux comme dans les mines, etc. Sans parler de toute installation pour rendre humain, agréable ou simplement supportable le procès de production. Du point de vue capitaliste, ces dépenses constitueraient un gaspillage inutile et déraisonnable.»6. Ces apports théoriques sont précieux et nous le verrons tout à fait actuels. Mais il convient d’aller plus loin en posant théoriquement la double dimension de l’exploitation capitaliste. Exploitation économique selon la définition marxiste, mais aussi, ce qui conceptualise d’ailleurs l’emploi commun du terme d’exploitation, exploitation physiologique du travailleur. Le mécanisme d’accaparement de surtravail non payé et d’extorsion de la plus-value implique concomitamment exploitation économique et exploitation physiologique du salarié. Les recherches d’économies d’emploi de capital constant destinées à accroître le taux de profit constituent une cause additionnelle de cette exploitation.

On peut définir l’exploitation physiologique par le fait de soumettre le salarié à un travail non soutenable, c'est-à-dire d’utiliser sa force de travail de manière à provoquer son usure ou sa détérioration, que ce soit sur le court terme ou le long terme, avec pour résultat d’entraîner la mort précoce des travailleurs. Il faut souligner la dimension psychique essentielle de l’exploitation physiologique, qui est au coeur des analyses de Marx.

Le procès de valorisation du capital conduit à chercher à accroître sans trêve le temps de travail et l’intensité du travail : il ne peut donc prendre en compte la spécificité de la force de travail humaine en tant que force vivante pour l’utiliser en préservant l’intégrité physique et psychique du travailleur comme « individualité vivante »7. Alors qu’il conviendrait « d’adapter le travail à l’homme »8, le capital va au contraire tirer partie de « l’élasticité » de la force de travail humaine pour doper la sécrétion de plus-value à extorquer. Le temps de travail constitue un enjeu de lutte plus que jamais actuel, sa « flexibilisation » se trouvant au coeur des remises en cause du droit du travail.

La soumission du travail humain au rythme de la machine est exemplaire de l’inversion des valeurs propre au capitalisme : le travail humain doit s’adapter à la machine, le salarié doit suivre sa cadence et ses rythmes, travailler en équipe et la nuit. Au lieu que la machine soit au service du salarié, celui-ci en devient l’esclave. René Passet a souligné la nocivité de cette situation : « Les rythmes économiques entrent ici en conflit, à la fois avec les rythmes sociaux et avec les rythmes biologiques, et il semble alors que ces derniers résistent à toute possibilité d’inversion. […] La rançon de cet état de choses apparaît, au plan pathologique, par la revanche des rythmes circadiens perturbés qui se manifeste dans la multiplication des troubles digestifs, la gravité des accidents du travail et la production de névroses particulièrement fréquentes parmi ces travailleurs. La logique du système productif, responsable de cette situation, se révèle impuissante à en corriger les conséquences. »9 Fin 2007, le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a indiqué qu’il considérait que le travail en équipes impliquant une perturbation circadienne –qui concerne 20% des travailleurs en Europe et en Amérique du Nord – était « probablement cancérogène pour les être humains ».

Si exploitation économique et exploitation physiologique sont étroitement liées, ce lien n’est pourtant pas mécanique. Il existe une certaine autonomie de l’exploitation physiologique qui n’est pas réservée aux travailleurs les plus mal payés mais concerne aussi les travailleurs disposant de niveaux de salaires relativement élevés par rapport aux ouvriers ou employés du rang. L’intensification du travail en effet touche l’ensemble des métiers et emplois, et le niveau du salaire ne suffit pas à en être préservé. Le lien entre les deux dimensions de l’exploitation est cependant évident. Les salariés soumis à la plus grande exploitation physiologique dans le travail vont être celles et ceux, ouvriers et employés, qui gagnent le moins. De manière générale, toute accentuation de l’exploitation économique va se traduire par une accentuation de l’exploitation physiologique. D’autre part la rémunération de salariés à un niveau ne leur permettant pas de pouvoir subvenir à leurs besoins élémentaires va accroître l’exploitation physiologique découlant de la détérioration de leurs conditions de vie. Sans parler des pays du Sud, l’explosion du nombre de travailleurs pauvres dans tous les pays capitalistes du Nord le prouve suffisamment. Enfin, la faiblesse du niveau de revenu va accroître l’exposition aux nuisances environnementales : habitat insalubre, exposition au bruit, à la pollution, etc.

Ce lien étroit entre les deux dimensions de l’exploitation, le caractère simultané de l’atteinte portée à la satisfaction des besoins physiques, psychiques et sociaux du travailleur comme « individualité vivante », la détérioration des conditions de travail comme des conditions de vie en découlant avec ses effets sur la santé et la vie des salariés montrent l’importance que devrait avoir la lutte contre l’exploitation physiologique dans le combat social. Ce terrain de lutte constitue un des points nodaux permettant le développement d’une véritable écologie sociale anticapitaliste. Les lieux de travail sont du fait du caractère capitaliste du mode de production un des endroits où les atteintes environnementales subies par les hommes et les femmes sont les plus importantes. Cela est particulièrement vrai dans les secteurs industriels les plus polluants ou les plus dangereux, comme le nucléaire ou la chimie. Enfin la logique intime du capital conduisant au saccage de la nature et à la détérioration du corps vivant et pensant du travailleur est la même. En prendre conscience ne peut que faciliter la prise en charge de l’ensemble des questions écologiques par le mouvement ouvrier, comme la prise en charge des questions sociales par le mouvement écologiste.


3- Permanence et actualité de l’exploitation physiologique des travailleurs


L’intensité de l’exploitation physiologique a particulièrement cru durant les dernières décennies. La progression réelle de l’espérance de vie des travailleurs dans les pays du Nord ne doit en effet pas masquer la pérennité de l’exploitation subie. Plusieurs tendances fondamentales doivent être mises en évidence :

-Les formes les plus féroces d’exploitation physiologique ont été transférées vers les pays du Sud par le biais de la division internationale du travail. Les firmes du Nord bénéficient, en opérant certaines localisations d’activités dans ces pays, du haut niveau d’exploitation économique comme physiologique des travailleurs : les usines implantées en Chine pour réexporter vers le Nord un certain nombre de biens de consommation ou d’équipements consomment par exemple un charbon extrait au prix de plusieurs milliers de morts par an.

-Le nombre absolu de morts au travail par accident ou des suites du travail par maladie professionnelle au niveau mondial atteint un niveau officiel extrêmement élevé. Selon le rapport de l’OIT publié en 2008, 2,2 millions de personnes décèdent chaque année dans le monde des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, soit environ 6000 morts chaque jour.

-Le refus des classes dominantes dans de très nombreux pays de prendre les mesures nécessaires pour faire face à certains fléaux du travail conduit à des morts précoces en masse de travailleurs. Les cas de la silice (silicose) et de l’amiante sont ici emblématiques, même s’ils sont loin d’être les seuls. En France, au moins 40 000 salariés sont morts de silicose sur la période 1946-198710, et près de 100 000 morts provoqués par l’amiante sont attendus dans les prochaines années. L’hécatombe due à l’utilisation de l’amiante ne fait cependant pas partie du passé, ce matériau continuant à être extrait ou utilisé dans de très nombreux pays, notamment au Sud. Sans compter la délocalisation du risque opérée par de nombreux pays ou firmes du Nord, que l’affaire du désamiantage du porte-avion français Clémenceau en Inde a mis sur le devant de la scène.

-L’incorporation des innovations scientifiques au processus de production s’effectue largement « à l’aveugle » en ce qui concerne les conséquences sur la santé des travailleurs. L’exemple de la chimie est caractéristique : 99% des 100 000 substances chimiques mises sur le marché en Europe avant 1980 et pour la plupart toujours utilisées n’ont jamais été évaluées. Un rapport récent estime ainsi à 74 000 par an en Europe les décès liés au travail associés à des substances dangereuses sur le lieu de travail11.

-Au Nord, le différentiel d’espérance de vie entre catégories sociales est important et régresse peu ou plus. Le rôle de l’exploitation physiologique au travail est essentiel dans la perpétuation de ces inégalités.

-Toujours au Nord, les récentes décennies ont été marquées par une hausse de l’exploitation économique et de l’exploitation physiologique des travailleurs, entraînant une dégradation des conditions de travail et de vie. L’intensification du travail a progressé de manière aiguë, en même temps que les nouvelles formes d’organisation ont accentué les atteintes à la santé mentale des travailleurs.

-Les femmes, arrivées en masse sur le marché du travail dans ces pays au cours des dernières décennies, sont touchées comme les hommes par cette situation.


Aux causes structurelles de cette exploitation sont venus s’ajouter les effets des politiques publiques et patronales mises en œuvre durant les vingt cinq dernières années dans un contexte de crise économique profonde. Les transformations du système de production (développement de la production en flux tendu, de l’externalisation d’activités et de la sous-traitance, dont la sous-traitance internationale, organisation des unités en centre de profits séparés, etc.) conjuguées aux politiques de remises en cause du droit du travail dans un contexte de chômage élevé et de développement de la précarité, et à l’affaiblissement du mouvement syndical ont eu pour effet une hausse rapide et continue de l’exploitation physiologique du travail au Nord comme au Sud. Les nouvelles formes de production ont souvent redoublé l’exploitation en accentuant en particulier la pression psychique subie par le salarié ou transférée au salarié.

Les inégalités sociales vis-à-vis de la mort sont incontestables. Le différentiel d’espérance de vie entre catégories sociales constitue la preuve principale de l’usure et de la mort précoce infligées par le procès de production capitaliste aux salariés. Pour prendre l’exemple de la France, les recherches récentes ont établi que si les ouvriers et employés avaient la même espérance de vie que les cadres et professions libérales, 10 000 décès prématurés, c'est-à-dire avant 65 ans, seraient évités. L’espérance de vie des ouvriers âgés de 35 ans est inférieure de 6,5 années à celle des cadres et professions libérales, celle des ouvrières du même âge de 3,5 années12. Les taux de mortalité prématurée (entre 25 et 54 ans) selon la catégorie professionnelle montrent que contrairement à certaines idées reçues ce taux est supérieur pour les ouvriers et employés par rapport aux cadres supérieurs et professions libérales pour toutes les causes de décès : les ouvriers et employés ont ainsi 2.4 fois plus de risque de mourir de maladie coronarienne, 3,5 fois plus de maladies cérébro-vasculaire, 3,5 fois plus de cancers du poumon, 10,8 fois plus de cancers de la bouche, du larynx ou du pharynx, 2,9 fois plus de risques de se suicider. Toutes causes confondues, le risque de mort prématurée est 2,9 fois plus grand pour les ouvriers et employés13. Ces chiffres datant des années 1990 ont été confirmés par les études plus récentes. Ainsi en 2003, un homme ouvrier âgé de 35 ans peut espérer vivre encore 41 années, dont 24 sans incapacité, un homme cadre supérieur âgé de 35 ans 47 années dont 34 sans incapacité, une femme ouvrière âgée de 35 ans 49 années dont 27 sans incapacité, une femme cadre supérieure âgée de 35 ans 51 années dont 35 sans incapacité14. Ainsi moins d’années de vie pour les ouvriers et ouvrières ne les dispensent pas de plus d’années d’incapacité.

Les catégories à partir desquelles sont bâtis ces chiffres ne donnent qu’une idée affaiblie de l’étendue du différentiel des espérances de vie et risques de morbidité et mortalité entre classes sociales. En effet, toute une série de statistiques fusionnent dans une même catégorie des personnes aux statuts sociaux très différents : c’est le cas de la catégorie « chefs d’entreprise », de celle de « cadres », de celle « d’agriculteurs » comme de celles de « professions libérales ». Elles amalgament des membres des classes dirigeantes avec des salariés ou non-salariés pouvant avoir un statut social, donc un niveau de rémunération et des conditions de travail et de vie extrêmement éloignées. La bourgeoisie, la vraie, reste bien cachée dans les statistiques. On peut penser qu’un affinage des catégories ferait apparaître des différentiels bien plus élevés.

Quel rôle joue le travail dans la production de ces inégalités sociales de santé ? Dans leur analyse du système des inégalités, Alain Bihr et Roland Pfefferkorn étudient les interactions entre treize types d’inégalités à partir du recensement des études disponibles. Leurs résultats aboutissent sans surprise à montrer le rôle pivot joué par la place occupé dans les rapports de production: « Les inégalités de position au sein des rapports de production figurent ainsi dans neuf cas sur douze en position de facteur déterminant de premier rang. Et, dans les trois cas où elles ne figurent pas parmi les facteurs déterminants directs, on les retrouve à l’arrière-plan immédiat de ces derniers par l’intermédiaire des inégalités face à l’emploi et des inégalités de revenu primaire ou de revenu disponible qu’elles déterminent directement et fortement. Ainsi les inégalités au sein des rapports de production façonnent-elles directement ou non l’ensemble des inégalités sociales. A n’en pas douter, nous sommes ici en présence de la matrice des inégalités au sein de notre société. » 15 Cette place dans les rapports de production constitue également le facteur premier et déterminant des inégalités de santé que ce soit de manière directe ou indirecte ; directe par les conditions de travail subies, indirecte par le biais du rôle « diffuseur » du niveau de revenu disponible, directement dépendant lui-même de la position dans les rapports de production, et qui va déterminer en grande partie les conditions de vie (habitat, temps de transport, alimentation, loisirs, consommation de drogues, accès aux soins, etc.) du salarié mais aussi de sa famille, jouant ainsi un rôle fondamental dans la reproduction des inégalités sociales.

Les chiffres disponibles indiquent d’autre part que sur longue période les écarts se maintiennent voire s’accroissent. S’agissant de la France, le risque de mortalité était deux fois plus élevé pour les employés que pour les cadres dans les années 1975-1980, et 2,2 fois plus élevé dans les années 1990-1995, 1.9% plus élevé pour les ouvriers qualifiés dans les années 1975-1980 et deux fois plus élevé dans les années 1990-1995, 2,6 fois plus élevé pour les ouvriers non qualifiés dans les années 1975-1980 et 2,4 fois plus élevé dans les années 1990-1995. Il y a donc un maintien global des écarts entre catégories professionnelles en vingt ans16. Une étude récente montre que les inégalités sociales observées pour la mortalité par cancer en France ont augmenté entre les années 1970 et les années 199017. D’autres chiffres montrent que cette tendance concerne de nombreux pays européens. Ainsi des années 1980-1984 aux années 1990-1994, le risque de mortalité des travailleurs manuels âgés de 30 à 59 ans (pour l’essentiel des ouvriers et des employés) en excès de 63% par rapport à celui des travailleurs non manuels est passé à un excès de 95% en Finlande. En Suède, l’excès est passé de +51% à +64%, en Norvège de +42% à +56%, au Danemark de +46% à +49%, en Angleterre de +36% à +51% et à Turin (Italie) de +33% à +43%18.

La dégradation des conditions de travail durant les vingt cinq dernières années est solidement établie : un mouvement d’intensification du travail est intervenu qui a accru globalement sa pénibilité physique et psychique pour la plupart des salariés des deux sexes19. Accroissement de la pénibilité physique : en France 84,5 % des ouvriers non qualifiés déclarent devoir rester longtemps debout en 2005 contre 73,3% en 1984 (51,8% des salariés contre 49,5 en 1984), 56,4% devoir rester longtemps dans une posture pénible contre 25,6% en 1984 (34,2% des salariés contre 16,2% en 1984), 64,4% devoir porter des charges lourdes contre 37,9% en 1984 (39% des salariés contre 21,5% en 1984), 69% faire des mouvements douloureux ou fatigants contre 61,6% en 1998 (35,7% des salariés contre 33,6% en 1998), etc. Augmentation des contraintes industrielles, particulièrement pour les ouvriers, le travail à la chaîne continuant de progresser (en 2005 25% des ouvrières et 8% des ouvriers travaillent à la chaîne contre 20% et 4% respectivement en 1984), les contraintes liées aux normes et aux délais aussi, alors que les marges de manoeuvre des salariés dans leur travail ont tendance à se restreindre, et les horaires atypiques à se développer (travail de nuit et du dimanche). Contrainte technique, contrainte marchande et contrainte hiérarchique se sont accrues pour de très nombreux salariés. Le nombre de salariés déclarant cumuler trois contraintes de rythme de travail est passé de 5% en 1984 à 32% en 2005. A cela s’ajoute une exposition de millions de travailleurs à des produits dangereux pour la santé, notamment aux produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR). 13,5% des salariés sont exposés à un agent cancérogène en 2003, 70% des salariés exposés étant des ouvriers ; 42,3% des salariés étant exposés à au moins un cancérogène ne disposent pas de protection collective20. Le règlement européen REACH constitue un progrès très insuffisant face à cette situation, alors même que de nouveaux risques émergents viennent s’ajouter aux anciens loin d’avoir disparus21.

L’effet sanitaire de cette dégradation des conditions de travail est clairement mis en évidence. De 2000 à 2005, le nombre de maladies professionnelles reconnues en France est passé de 20 695 à 42 103, les affectations articulaires (constituant des troubles musculo-squelettiques ou TMS) sont passées de 13 104 à 29 266, les affections et cancers liés aux poussières d’amiante de 2910 à 6670, les affections provoquées par les bruits de 613 à 1123, les pneumoconioses consécutives à l’inhalation de silice de 236 à 319, etc. Encore faut-il souligner combien ces données chiffrées sont en dessous de la réalité, les maladies professionnelles continuant à être sous-déclarées de l’avis des autorités elles-mêmes. Le cas des cancers professionnels est symptomatique. Un rapport a ainsi mis en évidence l’écart entre le nombre de cancers indemnisés en 1999 et le nombre de cas attribuables à des facteurs professionnels estimé : 27 leucémies indemnisées pour un nombre estimé entre 112 et 413, 458 cancers broncho-pulmonaires indemnisés pour un nombre estimé entre 2433 et 5427, 7 cancers de la vessie indemnisés pour un nombre estimé entre 625 et 111022. Sans doute ces chiffres, même dans le haut de leurs fourchettes, sont-ils eux aussi sous-estimés. En effet, beaucoup de produits chimiques utilisés ont des effets sur la santé mal connus voire non connus parce qu’ils n’ont pas été évalués. D’autre part, les effets aujourd’hui difficilement évaluables et donc méconnus mais hautement prévisibles de la synergie d’exposition à un cocktail de produits chimiques sont ignorés. A cela il faut rajouter le fait que les travailleurs les plus exposés à des produits chimiques dans leur travail sont souvent aussi ceux qui ont le plus de chances de l’être en dehors du travail. De même on ne peut que s’interroger sur la part des cancers du sein chez les femmes, dont le nombre n’a cessé de s’accroître ces dernières décennies, attribuables à une cause professionnelle. L’étude du CIRC précitée a ainsi mis en évidence un risque plus grand de cancer du sein pour les travailleuses de nuit sur une longue période comme les nourrices ou les hôtesses de l’air. Le cas des troubles musculo-squelettiques est aussi emblématique de la période actuelle : alors qu’il s’agit de pathologies de l’usure au travail associant des facteurs de risques biomécaniques comme psychosociaux, leur survenue a été observée de manière significative non seulement parmi les travailleurs âgés mais chez les jeunes travailleurs. Ainsi une étude menée dans la région des Pays de Loire a montré que 5% des hommes et des femmes âgés de 20 à 29 ans étaient touchés. Il s’agit aussi d’une pathologie touchant plus les femmes que les hommes (15% et 11% des salariés)23.

Les atteintes à la santé psychique sont l’autre versant de la dégradation des conditions de travail. Contrairement à une idée reçue, les troubles dépressifs touchent plus les employés et les ouvriers que les cadres : en 2003 12,6% des ouvriers, 15,7% des employés, et 7,8% des hommes cadres présentaient des troubles dépressifs, et 12,3% des ouvrières, 12,3% des employées, et 7,6% des femmes cadres. L’intensification a contribué à augmenter le stress au travail : la survenue d’effets pathologiques va être fonction d’une série de facteurs, la charge mentale de travail, la marge de manœuvre laissée au salarié et le soutien social existant de la hiérarchie ou des collègues. La conjugaison d’une forte demande psychologique et d’une faible latitude décisionnelle a notamment pour effet d’augmenter les risques de troubles cardio-vasculaires, dépressifs et musculo-squelettiques. Les nouvelles formes d’organisation du travail dans un grand nombre de secteurs ont eu pour effet d’alourdir la pression psychique, notamment en mettant en œuvre une autonomie contrainte du salarié. Dans ce schéma, l’accroissement de la marge de manœuvre a ainsi été accompagné de l’alourdissement de la charge de travail, avec pour effet de rendre responsable le salarié à ses propres yeux du travail à exécuter dans le même temps où les moyens impartis et contraintes mises en place – notamment procédurales – ne permettent pas de faire le travail ou de le faire bien. Le nombre élevé de suicides provoqués par le travail est révélateur de l’extrême tension générée par les nouveaux modes d’organisation du travail et les relations professionnelles qu’ils impliquent.

La situation des travailleuses est-elle meilleure que celle des travailleurs ? C’est ce que peuvent laisser penser certains discours ou certains silences. Toutefois, il y a lieu d’être sérieusement dubitatif. Tout d’abord parce que les conditions de travail des salariées font peu l’objet d’études comme le montre Karen Messing24. Ensuite parce que de nombreux facteurs conduisent à penser que les travailleuses, qui ont investi massivement le marché du travail ces dernières décennies, sont confrontées aux tendances lourdes de la détérioration des conditions de travail. Jennifer Bué estime que « les formes d’assujettissement sont plus strictes pour les femmes, soumises à des rythmes de travail élevés associés à de faibles marges de manœuvre et peu de possibilités de coopération. Cette situation entraîne une forte pénibilité, et des conséquences plus négatives sur la santé des femmes. »25 A cela s’ajoute la prise en charge du travail domestique qui continue de reposer en grande partie sur les femmes.


4- Bouleversement des conditions de travail et transformation écosocialiste de la production


Les dégâts sanitaires, sociaux et écologiques du mode de production capitaliste nécessitent de formuler une réponse unifiée. L’enjeu est de faire converger des luttes trop souvent éclatées, et de faire travailler ensemble militants actifs sur les lieux de travail et militants agissant en dehors dans une perspective de transformation sociale anticapitaliste. L’histoire des luttes salariées concernant les conditions de travail et la santé au travail reste à faire. Peu présentes dans l’historiographie, souvent oubliées y compris de la mémoire militante, il semble que leur éclosion est plus difficile que sur d’autres terrains. Sans doute parce que la mystification qui fait que les conditions de production apparaissent comme une propriété du capital s’y oppose26, sans doute aussi parce que le mouvement ouvrier en a trop rarement fait une priorité, quand il n’a pas chanté l’ode productiviste de concert avec le patronat comme dans l’immédiat après seconde guerre mondiale.

Souvent cependant la question des conditions de travail accompagne en mode mineur les luttes sur les salaires. Parfois elles se confondent comme dans la bataille contre les formes de salaire au rendement. Les luttes sur les conditions de travail n’ont toutefois pas manqué, mobilisant souvent les secteurs les plus exploités de la classe ouvrière comme les femmes ou les travailleurs immigrés, mis en mouvement dans la dynamique d’une mobilisation plus générale et se confrontant d’emblée à leurs conditions d’exploitation féroces. Cela est le cas en France à différentes périodes : dans les années 1890 avec les luttes des allumettières contre le phosphorisme27, ou au début des années 1970 avec le rôle particulier joué par les luttes contre « l’ordre usinier » et ses conditions de travail28. La lutte des ouvrières de la société de fabrication de matériaux amiantés Amisol à cette période est exemplaire : lutte pour les droits et les conditions de travail, elle se transforma en lutte contre cette production mortifère, la lutte pour l’emploi n’ayant plus pour perspective la réouverture de l’usine 29. Cette lutte est aussi à l’origine de la mobilisation des victimes de l’amiante en France pour obtenir justice. Combat pour l’égalité et la dignité, la lutte pour le droit à la santé au travail doit s’imposer au coeur des revendications des salarié-e-s. Parce qu’il débouche au nom du droit à la vie sur la mise en cause de l’organisation du travail et de la production et de leurs finalités, il ne peut que conduire à faire la jonction avec le combat écologique.

Les moyens de production et d’échange utilisés et développés sous le capitalisme sont congruents à sa domination. Leur choix a été dicté par la recherche du profit le plus grand, non par une logique sociale et écologique. Une transformation sociale réelle au profit de la majorité de la population ne peut donc simplement viser à en arracher la propriété et la direction des mains de la minorité qui les détient, mais nécessairement aussi à réorganiser de fond en comble l’activité de production des biens et des services et les échanges. Compte tenu des risques qu’elles présentent de par leur fonctionnement et/ou ceux des produits qu’elles fabriquent, certaines activités doivent ainsi être stoppées (extraction et transformation de l’amiante, production d’énergie nucléaire, production d’agrocarburants, par exemple), d’autres drastiquement réduites (production d’armement, production chimique, etc.) Des activités doivent être créées ou fortement développées, ce qui est une source considérable d’emplois écologiquement et socialement utiles. La mise en oeuvre de ce programme de transformation suppose l’appropriation publique et sociale de la production et la mise en œuvre d’une planification démocratique. Elle implique une garantie effective du droit à l’emploi, les travailleurs des activités réorganisées conservant leur contrat de travail, leur rémunération et leurs droits sociaux jusqu’à reclassement sur un emploi de rémunération et de qualification au moins égales30.

Pour que les travailleurs concernés non seulement soutiennent mais soient le moteur de ce processus, il doit aussi correspondre à un véritable bouleversement des conditions de travail et viser à stopper l’exploitation économique comme physiologique du travailleur. Sortir de cette double exploitation suppose d’en finir avec la dictature du profit et du rendement gouvernant la production, mais aussi avec la dépossession des travailleurs des décisions qui les concernent. Ainsi une des conditions, nécessaire mais non suffisante, pour changer le travail est bien que dans le cadre d’une appropriation publique et sociale des moyens de production et d’échanges, les salariés gèrent leur unité de travail et organisent le travail. D’autres mesures sont également décisives notamment une réduction du temps de travail sans réduction de rémunération permettant de créer des emplois et de libérer du temps pour soi et pour participer à la vie collective. Un véritable programme de transformation des conditions de travail doit cependant être défini qui ne se résume pas au triptyque appropriation, autogestion, réduction du temps de travail. De grandes lois sociales devront intervenir pour que la donne change vraiment sur les lieux de travail : « déflexibilisation » du temps de travail, réduction du travail de nuit aux seules tâches d’intérêt social, arrêt du temps partiel subi, mise en sécurité des lieux de travail, garantie du droit à l’emploi et au revenu, notamment.


Ce bouleversement des conditions de travail a pour horizon l’abolition du salariat. Dans son livre Travail et émancipation sociale, Antoine Artous invite à rompre avec cette formule en insistant sur le fait « qu’une société débarrassée de l’exploitation capitaliste, ne pourra faire l’économie du rapport salarial, comme rapport social de mise à disposition de la force de travail (…) à un « travailleur collectif » non immanent à chaque producteur direct. Ce rapport a son efficacité propre qui génère des contradictions entre l’organisation de ce travailleur collectif (et les fonctions administratives que cela suppose) et les producteurs directs. Et ces contradictions peuvent déboucher sur de nouvelles formes d’oppression, voire d’exploitation31 ». Si Artous a raison d’insister sur le fait que les formes collectives de production peuvent sécréter de nouvelles formes de domination, il me semble contestable de considérer que le cadre combinant l’appropriation publique et sociale des moyens de production et la gestion par les travailleurs de leur unité de production ne constitue pas une rupture avec le régime salarial dont est constitutive la dépossession du travailleur de la propriété des moyens de production et du pouvoir de décision dans l’entreprise. Les conditions de mise à disposition de sa force de travail par le travailleur sont en effet alors qualitativement différentes de celles propres au rapport salarial. Il dispose des moyens de les maîtriser. Débarrassé du chômage, affranchi de la subordination contrainte, copropriétaire comme citoyen de l’entreprise où il travaille, co-décisionnaire comme citoyen des grands choix sociaux relatifs à la production, le producteur est co-décisionnaire de la gestion et de l’organisation de son unité de travail. Cela ne suffit pas à éliminer la discrimination en raison du sexe ou de l’origine, ou la domination du travail intellectuel sur le travail manuel, ou encore la bureaucratie. Mais cela crée un cadre radicalement différent pour s’y opposer efficacement et commencer à changer le travail en profondeur, notamment la division du travail.


Pages: [1]
WP Forum Server by ForumPress | LucidCrew
Version: 1.7.5 ; Page loaded in: 0.058 seconds.