Thèmes à débattre

Guest  

Welcome Guest, posting in this forum requires registration.

Pages: [1]
Topic: Santé, bien-être et écosocialisme
admin
Administrator
Posts: 33
Santé, bien-être et écosocialisme
on: January 14, 2014, 17:28

Santé, bien-être et écosocialisme


Par Gilles Godinat


Un accord s’est construit à l’OMS (Préambule de la Charte de 1946) pour une définition en positif de la santé (état de complet bien-être physique, mental et social) plutôt qu’en négatif (absence de troubles fonctionnels ou lésionnels, « silence des organes »), référence commune inchangée pour un idéal commun. Le présent texte est centré sur la problématique de la santé avec cette définition.


1. Les déterminants de notre santé : notre environnement physique et socio-culturel


L’intérêt du public et les publications scientifiques sur les définitions de la santé, sur l’état de santé des populations, ses déterminants et l’impact des politiques et systèmes de soins, témoignent non seulement d’un souci collectif pour mieux connaître et comprendre ce qui affecte notre santé mais surtout pour trouver des réponses plus appropriées afin d’améliorer la santé d’une population donnée. Cet enjeu prend la dimension tantôt d’un bien commun ou, dans l’idéologie du capitalisme, de capital individuel, selon les représentations culturellement dominantes et selon que l’on considère ou non l’ensemble des facteurs sociaux et environnementaux en interaction influençant notre état de santé. Dans l’ouvrage « Etre ou ne pas être en bonne santé », le collectif d’auteurs a réalisé une riche synthèse des données sur ces questions, mettant en évidence le rôle des déterminants sociaux dans la santé.


Les facteurs déterminants l’état de santé reconnus à ce jour sont regroupés d’une part en facteurs externes (déterminants sociaux), comme le niveau de revenu et le statut social, les réseaux de soutien social, les services de santé, le niveau d’éducation et d’apprentissage de base comme la lecture, l’écriture, l'emploi et les conditions de travail, les environnements physiques, sociaux et culturels et d’autre part les facteurs liés à la personne (le sexe, les habitudes de santé et la capacité d'adaptation personnelles, le développement de la petite enfance, le patrimoine biologique et génétique). L’influence des facteurs externes est reconnue comme la plus importante, y compris pour leur action sur les facteurs héréditaires : l’épigénétique a montré que l’expression des 23'000 gènes qui constituent chaque être humain est aussi sous l’influence de facteurs environnementaux, en particulier dans les études concernant les cancers. Le développement ontogénique pendant la petite enfance, les capacités d’adaptation et les habitudes ou comportements dans le domaine sanitaire sont de éléments qui sont également modulés par le contexte familial, culturel et social.


Après la Charte d’Ottawa signée en 1986 pour la promotion de la santé, cherchant à agir sur les facteurs déterminant notre santé, et suite à la Charte de Bangkok de 2005 pour répondre aux enjeux de la santé mondiale, l’OMS a mis sur pied la même année une Commission des Déterminants sociaux de la Santé mandatée pour étudier ceux-ci. Il s’agit de faire face et de répondre « aux trois maux du XXIème siècle : la mondialisation de mode de vie malsain, l’urbanisation rapide et anarchique ainsi que le vieillissement de la population ».


Dans le rapport du PNUD sur le développement humain 2010, des progrès ont pu être enregistrés, globalement en matière d’éducation et de santé dans la majorité des pays. Mais, réalité particulièrement choquante, certains pays ont reculé par rapport à 1970, en particulier en Afrique sub-saharienne et dans trois pays de l’ex Union soviétique, où l’espérance de vie a chuté. Les progrès à réaliser pour que les besoins de base de l’humanité soient satisfaits sont aujourd’hui encore gigantesques.


2. Inégaux dans notre santé sur toute la planète


Entre les pays les plus riches et les plus pauvres, les différences d’espérance de vie se creusent. Elles dépassent désormais 40 ans. Cette inégalité intolérable est soulignée par l’OMS.


Dans son rapport final, la Commission de Déterminants sociaux de la Santé a tiré la sonnette d’alarme: « La justice sociale est une question de vie ou de mort. Elle influe sur la façon dont les gens vivent et sur le risque de maladie et de décès prématuré auquel ils sont exposés. Si nous voyons avec émerveillement l’espérance de vie continuer à s’allonger et l’état de santé s’améliorer encore dans certaines parties du monde, c’est avec inquiétude que nous les voyons stagner dans s’autres…On observe au sein même des pays de très grandes différences d’état de santé qui sont étroitement liées à la condition sociale. Des disparités de pareille ampleur, tant dans les pays qu’entre eux, ne devraient tout simplement pas exister ». Pour cette Commission, « réduire les inégalités en santé est un impératif éthique. L’injustice sociale tue à grande échelle ».


Dans ses recommandations générales, la Commission met la priorité sur l’amélioration des conditions de vie quotidiennes et dans la lutte contre les inégalités dans la répartition du pouvoir, de l’argent et des ressources. Elle insiste en particulier sur des pratiques équitables en matière d’emploi et de travail décent.


Les statistiques mondiales de l’OMS 2010 montrent l’écart persistant avec les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sous l’effet combiné des crises alimentaires, énergétique, financière, économique, de conflits armés, de mauvaise gouvernance et de manque de ressources.


Si la mortalité infanto-juvénile continue de baisser lentement à l’échelle planétaire, la dénutrition reste la cause sous-jacente du décès d’un tiers des 8,8 millions d’enfants de moins de cinq ans décédés en 2008. Pour les survivants, le déficit pondéral provoque un retard de croissance pour 186 millions d’entre eux en 2005. Dans certains pays, la prévalence de la dénutrition a même augmenté. En fait ces baisses de mortalité sont les plus fortes dans les milieux les plus aisés et dans les zones urbaines. Les couches sociales les plus démunies en paient le plus lourd tribut. En particulier, la couverture par réhydratation orale et la prise en charge par des antibiotiques reste insuffisante : la diarrhée et les pneumopathies continuent de tuer près de 3 millions d’enfants de moins de cinq ans chaque année, notamment dans les pays à faible revenu.


Chaque année également, plus d’un demi-million de femmes, principalement dans les PVD, meurent de complications de la grossesse ou de l’accouchement. Entre 1990 et 2005, aucune région de l’OMS n’a atteint l’objectif de réduction de 5,5% de la mortalité maternelle nécessaire pour atteindre la cible de l’OMD, à savoir réduire de ¾ cette mortalité en 25 ans ! Or 98% des femmes décédées en cours de grossesse en 2007 vivaient dans les PVD, la moitié dans l’Afrique subsaharienne déjà durement touchée par la pandémie du sida, le paludisme et la tuberculose.


Pour le paludisme et la tuberculose, les améliorations sont en dessous du seuil escompté, même si des progrès thérapeutiques sont enregistrés. Pour l’ensemble du monde, l’OMS estime en 2007 à 0,5 million le nombre de nouveaux cas de tuberculose multirésistante, dont 85% dans 27 pays, taux jamais atteint jusqu’ici. Mêmes constats pour le VIH : en 2008 2,7 millions de personnes ont été nouvellement infectées, et 2 millions sont décédées du VIH, malgré les progrès dans la prévention et le traitement, encore inaccessible pour 5 millions d’humains. Plus d’un milliard d’êtres humains souffrent encore de maladies tropicales négligées. En 2008, 2,6 milliards de personnes n’utilisaient pas d’installations sanitaires satisfaisantes pour leurs besoins physiologiques.


A long terme, conclut le rapport, la santé des individus dans les PED se détériore aussi sous l’effet des maladies chroniques, des troubles sensoriels et mentaux et de la violence. D’ailleurs les maladies non transmissibles, comme les cardiopathies et les accidents vasculaires cérébraux, sont en hausse. Huit facteurs de risque sont responsables à eux seuls de plus de 75% des cas de cardiopathie coronarienne, principale cause de mortalité dans le monde : la consommation d’alcool, l’hyperglycémie, le tabagisme, l’hypertension artérielle, la surcharge pondérale, les taux élevés de cholestérol, une faible consommation de fruits et la sédentarité. La plupart de ces décès surviennent dans les PVD, car les facteurs de risque sont liés à une mauvaise alimentation, et aux mauvaises conditions de vie.


En 2009, selon l’OMS, l’espérance vie pourrait être augmentée en moyenne de cinq ans au niveau mondial si l’on s’attaquait sérieusement à cinq facteurs de risque responsables de 15 millions de décès annuels, soit le quart des 60 millions de décès survenant chaque année. Il s’agit de l’insuffisance pondérale pendant l’enfance, des rapports sexuels à risque, de l’alcoolisme, du manque d’eau potable et d’assainissement et de l’hypertension. Le rapport met en évidence 24 facteurs de risque qui rendent compte de la mortalité, de la morbidité et des traumatismes dans le monde. Actuellement, le surpoids et l’obésité entraînent plus de décès que l’insuffisance pondérale. Les environnements à risque et malsains sont responsables d’un décès d’enfant sur quatre. Près d’un dixième des maladies du monde pourraient être prévenues en améliorant les systèmes d’approvisionnement en eau, ainsi que l’assainissement, l’hygiène et la gestion des ressources en eau, selon une récente publication spécialisée de l’OMS. Avec la déclaration de la décennie de l’eau, de 2005 à 2015, les organisations onusiennes tentent de mettre cette priorité à l’ordre du jour !


Une nouvelle démarche analytique, rendue publique par l’OMS, révèle la face cachée des villes pour vaincre les inégalités en santé. L’étude effectuée sous l’égide de l’OMS et du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-HABITAT) montre pour la première fois en quoi la mauvaise santé est liée à la pauvreté en milieu urbain et pas uniquement parmi les populations les plus démunies : « Avec l’urbanisation de la pauvreté, bon nombre d’habitants des quartiers pauvres sont encore plus pénalisés : le taux de mortalité infantile est plus élevé chez ces populations que chez leurs voisins plus prospères, elles meurent plus jeunes et elles sont davantage touchées par la maladie ».


En prenant l’exemple du taux de mortalité infantile, en zone urbaine, les enfants les plus pauvres ont deux fois plus de risque de mourir avant cinq ans que les enfants des milieux aisés. Les écarts concernent non seulement les extrêmes mais l’ensemble de la population. Dans la plupart des régions, en milieu urbain, l’amélioration de l’accès à une eau courante propre diminue les inégalités entre riches et pauvres, car il y a une gradation sociale évidente entre l’accès à l’eau potable et l’augmentation de la richesse.


Pour la tuberculose, une étude a montré au Japon qu’à Ozaka, l’incidence de la tuberculose est neuf fois plus élevée dans une zone où résident de nombreux journaliers que dans la zone où l’incidence est la plus faible, ceci correspondant aux inégalités économiques et sociales entre ces zones. A Nairobi, le taux de mortalité des moins de cinq ans est inférieur à 15 pour mille dans les quartiers à revenu élevé, alors que dans une zone de taudis de la même ville, ce taux atteint 254 pour mille !


Relevons enfin que les personnes atteintes d’incapacités mentales et psychosociales sont parmi les groupes les plus marginalisés dans les PVD. Un document récent de l’OMS montre que ce groupe vulnérable ne bénéficie d’aucun programme, qu’il est exposé aux discriminations et à la stigmatisation. Et pourtant, les troubles mentaux sont à l’origine de nombreux décès, surtout dans les pays à revenu faible et intermédiaire. D’ici 2030, la dépression sera la deuxième cause de morbidité dans les pays à revenu intermédiaire et la troisième principale cause dans les pays à faible revenu. Une étude de l’OMS, de la Banque Mondiale et de l’Université de Harvard réalisée en 2008 conclut que les maladies mentales représentent plus de 15% du fardeau des maladies- soit plus que les cancers- dans les économies de marché développées comme aux USA. « La dépression est la principale cause d’années de productivité perdues, ce phénomène affectant moitié plus de femmes que d’hommes ».


Les inégalités dans la santé se sont également manifestées ces dernières années avec la succession de catastrophes liées au dérèglement climatique et à la déforestation : sécheresses, inondations, incendies, éboulements. Toutes ces catastrophes surviennent dans les PVD ou dans les zones côtières, affectant la santé et enlevant de nombreuses vies aux populations déjà les plus vulnérables, accentuant davantage l’injustice et les inégalités sociales en particulier d’un point de vue sanitaire. D’ailleurs, la Directrice générale de l’OMS, Mme M. Chan l’a reconnu : « Les changements climatiques mettent la santé humaine en danger».


3.- Inégaux dans l’accès aux soins


Comme nous venons de le résumer, les inégalités dans la santé liées aux conditions de vie et aux différents statuts socio-économiques sont reconnues et évidentes. En fait, ces inégalités sont également renforcées par l’inégalité d’accès aux soins.


En trente ans, les inégalités en matière de résultats sanitaires et d’accès aux soins sont bien plus grandes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en 1978, constate le rapport OMS de 2008 Lors de la publication de ce rapport à Almaty au Kazakhstan, à l’occasion du 30ème anniversaire de la Conférence d’Alma-Ata (Almaty) sur les soins de santé primaires et l’équité dans les soins, Mme Chan a lancé cet appel : « Un monde fortement déséquilibré en matière de santé n’est ni stable, ni sûr.» Toujours selon ce rapport, de nombreux systèmes de santé ont cessé de mettre l’accent sur un accès équitable aux soins, ont perdu leur capacité d’investir des ressources de manière avisée et perdu leur aptitude à répondre aux besoins et attentes des populations, en particulier des groupes défavorisés et marginalisés.


Par exemple, plus des deux tiers des personnes souffrant dans leur santé mentale n’ont accès à aucune forme de soins en santé mentale, et moins d’un quart bénéficient de soins psychologiques et médicamenteux. En Europe, une enquête réalisée par Médecins du Monde et le réseau HUMA regroupant seize ONG a dénoncé fin 2010 une atteinte aux droits fondamentaux des sans-papiers car dans au moins neuf pays de l’UE, ces populations très vulnérables souffrent en plus de l’inégalité d’accès aux soins.


En fait les inégalités dans les dépenses de santé reflètent les inégalités face à la santé elle-même. Elles varient d’un facteur mille, soit de 2,5 dollars par an par personne à 2'500 selon les pays ! Pour 5,6 milliards d’habitants des pays à revenu faible et intermédiaire, plus de la moitié des dépenses de santé se fait par payement direct. Ainsi, avec l’augmentation des coûts de la santé et la désorganisation des systèmes de protection financière, les dépenses de santé poussent chaque année 100 millions de personnes sous le seuil de pauvreté. Par exemple, sur les 136 millions d’accouchements en 2008, 58 millions de femmes ne disposaient d’aucune assistance médicale. Du côté de la couverture en services de santé, la proportion des accouchements assistés par un personnel qualifié peut être inférieure à 10% dans certains pays alors qu’elle atteint 100% dans les pays où les taux de mortalité maternelle sont les plus faibles. Réduire l’écart de couverture entre riches et pauvres dans 49 pays à faible revenu permettrait de sauver la vie de 700'000 femmes d’ici 2015. Idem pour les enfants de moins de cinq ans, en particulier avec l’immunisation de routine, 16 millions de vies pourraient être sauvées dans le cadre du Programme du PNUD avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement d’ici 2015.


Globalement, du fait des coûts des nouveaux traitements et du vieillissement de la population, les coûts de la santé tendent à croître et les financements peinent à suivre, même dans les pays développés. En 2007, avant la crise des « subprimes », les coûts de santé ont contribué à 62% des faillites totales des familles aux Etats –Unis, contre 50% en 2001.


Selon l’OIT, seule une personne sur cinq dans le monde dispose d’une réelle protection sociale de base, mais plus de la moitié de la population mondiale n’en a aucune. De plus, les différentes politiques d’austérité au Nord, comme au Sud, ont mis la pression sur les budgets publics pour une réduction de la couverture sociale et des dépenses sanitaires, phénomène amplifié depuis la profonde crise économique que nous traversons.


Or l’OMS rappelle que sans aide internationale, les pays pauvres ne peuvent résoudre seuls les problèmes sanitaires auxquels ils sont confrontés. Ainsi, si l’Inde taxait seulement 0,005% les transactions en devises, elle en retirerait 370 millions de dollars pour financer son système de santé. En effet, assure l’OMS, 44 dollars par habitant seulement sont nécessaires pour assurer « l’accès ne serait-ce qu’à un minimum de service de qualité dans les pays à faible revenu. » Mais beaucoup trop peu de pays riches tiennent leur engagement de consacrer 0,7% de leur PIB au développement.


Avec des mesures préventives existantes, des mesures d’hygiène et sanitaires simples, 70% de la charge de la morbidité mondiale pourrait être réduite. Et avec une amélioration de l’efficacité des dépenses du système de santé, avec les médicaments génériques, une meilleure gestion des centres hospitaliers, des mesures de planification sanitaire, il serait également possible de réduire les dépenses de santé. Entre 20 et 40% seraient perdues par gaspillage, mesures inadéquates, ou coûts trop élevés.


Dans les zones rurales des PVD, les soins ont tendance à être fragmentés en initiatives séparées centrées sur des maladies particulières ou des projets individuels, sans grand souci de cohérence et avec peu d’investissement dans les infrastructures de base, les services et le personnel.


L’OMS a également critiqué la tendance actuelle à substituer l’approche des soins primaires par des spécialistes en lieu et place des médecins de famille et des généralistes, et à privilégier des investigations et des soins nécessitant une haute technologie au détriment des besoins sanitaires de base des pays du Sud.


Comme le souligne le même rapport, les inégalités en matière d’accès aux soins et de résultats sanitaires sont généralement plus marquées lorsque la santé est traitée comme une marchandise et les soins sont animés par la recherche du profit. Les résultats sont prévisibles : investigations et procédures superflues, hospitalisations plus fréquentes et plus longues, coûts globaux plus élevés et exclusion des personnes incapables de payer.


Il y a dans le monde près de 60 millions de personnes actives à plein temps dans le secteur sanitaire, dont deux tiers directement prestataires de services. La répartition, on s’en doute, est très inégale : avec une moyenne mondiale de 9,3 personnes pour mille habitants, les Amériques (24,8%) et l’Europe (18,9%) connaissent les plus fortes densités, alors que l’Afrique (2,3%) et l’Asie du Sud-Est (4,3%) sont cinq à dix fois moins bien loties (51). Les migrations de personnels formés vers les pays plus riches, et le plafonnement des capacités de formation au Sud à cause des restrictions budgétaires engendrent un appauvrissement grave en effectifs qualifiés et bien évidemment des lacunes dans la couverture des prestations dans les pays pauvres. Il y a actuellement 57 pays qui connaissent une pénurie aiguë de main d’œuvre correspondant au niveau mondial à un déficit de 2,4 millions de médecins, infirmières et sages-femmes. Les régions les plus touchées par la pénurie sont l’Afrique sub-saharienne et l’Asie du Sud-Est, avec parfois, de façon paradoxale, une partie de ce même personnel sanitaire au chômage à cause de la structure du marché du travail, du manque de fonds publics. Un tiers des effectifs sanitaires au niveau mondial travaille dans le secteur privé. De plus, la tendance aux privatisations est surtout le fait d’un retrait relatif du secteur public, avec une densité s’affaiblissant dans les secteurs ruraux au bénéfice des centres urbains.


4.- La commercialisation de la santé : un marché porteur


Le volume des dépenses mondiales de santé en 2010 est évalué à 6460 milliards de dollars, et devrait atteindre 10'000 milliards en 2020, en lien avec la croissance de la demande des pays émergents. Cette croissance représente une opportunité pour les investisseurs comme le souligne A. Brass, gérant financier chez Fidelity Worldwide Investment : « La santé représente d’excellentes perspectives à long terme, principalement dues au vieillissement de la population, à l’augmentation de l’espérance de vie et à l’essor des classes moyennes dans le monde entier… La diversité du secteur de la santé permet d’orienter les investissements vers certaines industries ou parties de la chaîne logistique privilégiées par la conjoncture actuelle. » (Le Temps, juin 2013). En fait, le marché de la santé est soumis globalement aux logiques de marchandisation et privatisation de l’accès aux produits sanitaires et aux soins, au détriment du service public, rationnement des soins de base en prime. D’abord en introduisant la libre concurrence entre le privé et le public, puis, à l’aide des politiques de restrictions budgétaires, en réduisant les prestations prise en charge par la collectivité au profit d’assureurs et de prestataires privés, En Europe, l’achèvement du marché intérieur avec le Traité de Lisbonne en est une des illustrations. Plus globalement, dans le cadre de l’OMC se négocient des accords multilatéraux pour la libéralisation du secteur public, afin de favoriser l’investissement privé.


5.- La santé, un bien commun


Comme nous venons de le voir, tant du point de vue des facteurs jouant un rôle déterminant pour la santé des populations, tant par les systèmes de soins mis en place, la santé de chacun d’entre nous est tributaire de ces éléments liés aux conditions économiques et politiques avant tout. Il est donc extrêmement réducteur de faire porter la responsabilité de l’état de santé aux individus seulement, en stigmatisant leurs comportements, alors que la dimension collective des problèmes de santé est largement plus importante. Mais le discours dominant et son idéologie, cherchant à rendre chacun d’entre nous responsable individuellement de notre santé, ne sont que le prolongement du système de valeurs déployé par les couches sociales dominantes : notre sort est notre choix individuel, la réussite est un mérite personnel, et seuls les gagnants ont accès aux places privilégiées.


Or la réalité crue des inégalités qui frappent l’humanité dans ses populations les plus pauvres, les plus fragiles, les plus délaissées vient exactement nous prouver le contraire.


Seules, des réponses collectives de grande ampleur pourront relever le défi des injustices flagrantes et cruelles dont souffre quotidiennement la majorité de la population de notre planète.


Les crises humanitaires et sanitaires récentes sont la plus claire démonstration que notre santé doit être considérée comme un bien commun de l’humanité : qu’elles découlent de catastrophes naturelles, le plus souvent liées aux changements climatiques dus au réchauffement, qu’elles soient issues des guerres persistantes, ouvertes ou larvées, ou encore conséquences de la récession économique mondiale, des crises alimentaires et de l’insécurité alimentaire elle-même, à cause des contaminations et pollutions diverses (produits toxiques, dégradation de la qualité des eaux, maladies infectieuses affectant la chaîne alimentaire, etc), les crises sanitaires se multiplient et notre santé est chaque jour davantage menacée par des modifications brutales de notre environnement. Des populations entières, presque toujours les plus pauvres, en font la désespérante expérience, comme dernièrement en Haïti, au Pakistan, aux Philippines.


Dans les dix thèmes de santé prioritaires pour 2009, l’OMS a retenu l’essentiel de ces éléments en mettant l’accent sur les inégalités flagrantes et le manque d’organisation et d’investissements dans les soins primaires, aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres. Cette situation constitue pour l’OMS « une menace pour la santé mondiale ».


Dans son document de synthèse sur le financement des systèmes de soins (2010), l’OMS relève trois obstacles fondamentaux, étroitement liés, empêchent les pays de se rapprocher d’une couverture universelle. D’abord la disponibilité des ressources : « Aucun pays, quelle que soit sa richesse, n’a pu garantir à l’ensemble de sa population un accès immédiat à toutes les technologies et interventions pouvant améliorer la santé ou prolonger la vie. A l’autre extrémité de l’échelle, dans les pays les plus pauvres peu de services sont disponibles pour tous.» Ensuite, la dépendance excessive aux paiements directs au moment où les personnes ont besoin de soins empêche des millions de personnes de recevoir les soins médicaux qui leur sont nécessaires. Enfin, l’utilisation des ressources est à ce jour inéquitable et inefficiente.


Des luttes apparaissent pour défendre la santé comme bien commun. En Europe, un réseau s’est constitué suite à une première réunion à Amsterdam d’une Conférence européenne pour la défense du service public de la santé en mai 2011. Avec la récente Conférence européenne en défense de la santé et de la protection sociale publique et universelle (Nanterre, 2012) il nous montre le chemin avec un socle de revendications communes :


- universalité d’accès à toutes et tous au système de santé, à l’ensemble des soins de santé et à la protection sociale


- gratuité des soins et refus de toute restriction à l’accès aux soins de la population


- démocratie sanitaire et détermination par la population elle-même des besoins de santé


- soins de santé basés sur un financement public et collectif, car la santé ne peut être source de profit.


Nous voyons ainsi se dessiner les bases d’un programme sanitaire mondial, mais nous sommes encore loin d’atteindre les buts pour la santé que l’OMS a retenu dès sa fondation en 1948 !


6.-Le projet écosocialiste pour la santé.


Il s’agit ici de résumer les grandes les lignes directrices d’un projet de transformation sociale dans le domaine de la santé dans une perspective écosocialiste. En premier lieu, le courant écosocialiste veut dissiper cette illusion qu’au sein du capitalisme, il est possible de satisfaire les besoins sanitaires de l’humanité y compris au sein du monde du travail lui-même, en montrant l’implacable logique systémique qui ronge aujourd’hui tous les secteurs d’activité et qui détruit dans le même élan notre environnement. Cette prise de conscience collective, finalement assez récente, de la dimension prédatrice étendue du capitalisme tant dans son exploitation des humains que dans son pillage et sa destructivité de la nature, implique des réponses fortement articulées pour promouvoir à la fois l’émancipation humaine et le respect de l’environnement et des cycles naturels.


Nous constatons que les progrès réalisés depuis un demi-siècle dans le domaine de la médecine et de la santé publique en général, permettraient déjà aujourd’hui d’apporter les réponses nécessaires pour améliorer rapidement et massivement les conditions sanitaires de la population mondiale. Les obstacles sont essentiellement liés aux choix économiques et politiques des gouvernements, comme ceux du G20, eux-mêmes le plus souvent liés directement aux intérêts d’une minorité de nantis, aux multinationales, aux institutions internationales à leur solde (FMI, Banque mondiale, OMC, OCDE), aux stratèges militaires de l’OTAN et aux chefs d’entreprises, tous ardents défenseurs du système capitaliste en place. Laisser à la seule dynamique du capitalisme et aux lois du marché notre avenir sanitaire nous mène dans les impasses décrites ci-dessus.


L’histoire récente confirme que les plus importants progrès en matière sanitaire sont intimement liés aux conquêtes sociales, aux mobilisations des populations elles-mêmes, comme les récentes mobilisations populaires pour obtenir des médicaments génériques dans la lutte contre le Sida. L’exemple le plus marquant est la lutte du mouvement des femmes pour son émancipation, pour la contraception et l’accès du droit à l’avortement. Evidement qu’il reste encore du chemin pour atteindre au niveau mondial un état de santé répondant aux aspirations des femmes elles-mêmes, comme le revendique la Marche mondiale des Femmes. D’autres exemples significatifs de ces progrès sont liés aux mouvements de libération, soit à la fin de la deuxième guerre mondiale, soit dans les processus de décolonisation, mais hélas trop souvent interrompus par des reprises en mains impérialistes du pouvoir, ou la mise en place de politiques néo-libérales.


Les situations d’urgence sanitaires se sont multipliées ces dernières années, et le processus va s’accélérer, en particulier au gré des dérèglements climatiques.


Il est évident que parmi les mesures prioritaires dans le domaine sanitaire, la lutte contre le réchauffement climatique doit être au premier plan.


Il en va de même pour l’accès à l’eau potable qui demeure une absolue priorité sanitaire : plus d’un milliard d’êtres humains en 2010 n’a toujours pas d’accès à l’eau potable, et connaît donc une situation sanitaire désastreuse. Depuis la publication du « Manifeste de l’eau » pour un contrat mondial de l’eau en 1998, peu de progrès ont été réalisés. Les processus de privatisation des sources sont toujours à l’œuvre, la distribution reste essentiellement en mains privées, et les prix de l’eau ont continué à augmenter. L’accès à l’eau potable est un droit humain fondamental. L’eau est un bien commun, qui va se raréfier avec le réchauffement climatique. La lutte pour préserver l’eau douce, en préserver la qualité et la rendre accessible gratuitement à tous doit constituer un axe fondamental de notre combat écosocialiste.


Le deuxième problème sanitaire majeur est l’accès à une alimentation saine et suffisante. Or les crises alimentaires qui s’accumulent, avec la hausse des prix des céréales par exemple, mettent d’autant plus à l’ordre du jour la révolution agraire contre l’accaparement privé des terres, contre les spéculations boursières, pour une agriculture de proximité et pour la souveraineté alimentaire.


Les désastres alimentaires programmés avec le développement des agrocarburants sont connus. De même que les méfaits des OGM sur la biodiversité, donc sur la qualité de l’alimentation, sans parler de la soumission du monde paysan au diktat des multinationales. L’exemple de l’huile palme, nouveau gadget de l’agrobusiness, illustre cette logique prédatrice du capitalisme : non seulement, ces cultures entraînent la déforestation, elles se substituent à l’agriculture vivrière mais de plus elles sont trop riches en acides gras saturés et donc nocives pour l’organisme humain.


Enfin, les récentes pollutions de la chaîne alimentaire, toujours liées à la recherche du profit au détriment de la santé des humains, montrent la nécessité d’un contrôle public accru sur la traçabilité et la qualité sanitaire des biens alimentaires.


L’axe de la réduction du temps de travail (vers les 30 h hebdomadaires) est une réponse directe à la logique productiviste. Le BIT a publié en 2004 un livre sur le temps de travail, avec une enquête et une banque de données pour une centaine de pays. Aux Etats Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Japon, le nombre de personnes travaillant plus de 50 heures par semaine a nettement augmenté en une décennie, pour atteindre plus de 20% de la population active ! Au Royaume Uni, 15,5% des travailleurs passent plus de 50 heures par semaine au travail. Il est donc clair que la revendication de la réduction du temps de travail hebdomadaire est encore d’une criante actualité. Cette réduction doit cependant préserver les acquis salariaux, sinon elle se réalise au profit du capital, sur le dos des salariés.


Cette revendication doit être articulée par principe au plan mondial, et répercutée au niveau continental pour sortir du chantage à l’emploi dans le cadre national. Elle constitue aussi une réponse partielle au chômage, en particulier dans la jeunesse.


La question des horaires de travail doit suivre la même logique : les horaires atypiques doivent être l’exception, en lien avec une réponse à des besoins sociaux et non des impératifs de production, et la santé des travailleurs doit être le fil à plomb sur la problématique des horaires aménagés, y compris bien sûr le travail de nuit.


L’OIT a récemment publié un rapport sur le problème du télétravail (58), sorte d’externalisation de la problématique des horaires de travail. En fait, il s’agit d’un secteur d’externalisation des processus de métiers qui pèse plus de 90 milliards dans l’économie mondiale et qui est en pleine croissance. Ce BPO (Business Process Outsourcing) opère une délocalisation dans les domaines de haute technologie. Il connaît un fort taux de rotation des effectifs, donc une grande instabilité, une forte tension et un haut stress au travail.


L’OIT milite pour des accords-cadres internationaux entre les multinationales et les fédérations syndicales pour tenter de réguler les conditions de travail au-delà du seul cadre national.


Autre exemple de la nécessité d’élaborer des stratégies syndicales au plan international : le travail forcé lié à l’immigration clandestine. Suite à la dégradation des conditions de vie dans plusieurs provinces chinoises, des immigrés chinois clandestins sont venus travailler en Europe. En France, ils sont plus de 50'000 à vivre et travailler dans des conditions humainement intolérables.


Pour la santé et la sécurité au travail ! Lors de la Journée mondiale pour la santé et la sécurité au travail de l’OIT, le 29 avril 2009, la directrice du Programme Safework a exprimé l’inquiétude de l’organisation internationale : « On peut s’attendre à ce que le nombre d’accidents de travail, de maladies professionnelles et de problèmes consécutifs au chômage augmenta à la lumière de la crise économique actuelle… La diminution des dépenses publiques va également compromettre les capacités des inspections du travail, et des autres services de santé et de sécurité au travail. Les conditions de travail précaires vont se développer, accentuant le risque d’accident et de problème de santé. »


Il faut encore savoir que d’ici 2020, plus de 20% des produits dans le monde proviendront des nanotechnologies, lesquelles comportent de nouveaux risques liés aux substances et matériaux utilisés.


Augmenter le personnel médical et infirmier dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, indépendant du contrôle patronal, reste une revendication à mettre en avant au niveau européen. La santé et la sécurité au travail font partie des droits humains fondamentaux.


Parmi les autres déterminants sociaux majeurs de notre état de santé, les conditions de salubrité de l’habitat jouent également un rôle important, en particulier pour les maladies infectieuses, allergiques et respiratoires, y compris les pollutions urbaines de l’air, de la motorisation et du bruit. Le combat pour un habitat et une urbanisation mettant au premier plan la qualité de vie des habitants est d’autant plus actuel que plus de la moitié de la population mondiale vit ou plutôt tente de survivre aujourd’hui en milieu urbain.


Comme nous venons de le voir, les liens entre les conditions sanitaires et les conditions environnementales sont évidents, les mesures doivent donc elles aussi être intimement liées, dans une politique préventive cohérente. D’une manière générale, la prévention doit servir de boussole dans la mise en place de politiques sanitaires.


Sur l’organisation des soins elle-même, la priorité doit être accordée aux soins de santé primaires, au Nord comme au Sud, avec une valorisation des activités soignantes en périphérie, pour lutter contre le mouvement spontané de concentration du dispositif de soins en milieu exclusivement urbain. Les effectifs du personnel de santé doivent être augmentés, en priorité dans les pays du Sud.


Le combat des personnels soignant pour le maintien voir le développement de structures de soins en périphérie doit être soutenu.


Le dispositif de soins doit rester du domaine public, car le processus de privatisation va de pair avec une marchandisation des soins.


Sur la question du financement, les ressources existent : en supprimant les paradis fiscaux, les récupérations des pertes fiscales des pays du Sud, estimées à ce jour à plus de 160 milliards par an, financeraient très largement le budget total de l’aide au développement ! Rappelons que la somme totale du patrimoine financier privé placée dans les paradis fiscaux sur la planète est estimée en 2013 à 5'800 milliards d’euros (Zucman, 2013). Les récents mouvements populaires en Tunisie et en Egypte ont mis en lumière le détournement de la richesse de ces pays dans les poches des dictateurs et de leurs proches : des dizaines de milliards rien que dans ces deux pays !


Le principe d’une couverture universelle financée en fonction du revenu et de la fortune, supprimant les paiements directs sur le dos des ménages, doit être généralisé. Avec cette solution, l’accès aux soins peut et doit être gratuit.


Enfin, dans le domaine des médicaments et de la recherche, il faut supprimer les brevets dans le domaine sanitaire, car ils ne sont tout simplement pas acceptables éthiquement, de même que le brevetage du vivant. L’industrie pharmaceutique vit de la rente de ses brevets. Elle profite également des progrès de la recherche fondamentale assumée par le secteur public. Nous savons que les fameux « blockbusters », médicaments dits aussi « milliardaires » parce qu’ils doivent rapporter au moins un milliard par an à l’entreprise, ceux-ci sont en déclin, comme l’innovation elle-même dans le secteur des pharmas. La mise sur le marché nécessite effectivement des dépenses considérables : plus d’un milliard pour créer et lancer un nouveau produit, selon les chiffres des pharmas. Jusqu’en 2012, plus de 130 milliards de dollars de recettes sur les spécialités pharmaceutiques commercialisées par les « big pharma » estimées comme pertes potentielles par la fin de la durée des brevets au profit de la vente des génériques. L’industrie pharmaceutique cherche une nouvelle voie dans les produits dits « ciblés » ou « personnalisés », à savoir efficaces seulement pour des populations particulières en fonction de leurs caractéristiques génétiques. Ce nouveau secteur se développe en particulier dans la lutte contre les cancers, ce qui implique des liens toujours plus étroits entre les domaines de la recherche moléculaire et génétique avec l’industrie pharmaceutique.


S’il est évident que les recherches scientifiques doivent être poursuivies, elles doivent rester du domaine public et la production de médicaments doit être en phase avec les besoins prioritaires de la population mondiale, besoins actuellement négligés par l’industrie pharmaceutique au profit de médicaments de confort, des copies d’anciens médicaments, voir des médicaments aux effets secondaires dangereux, ou trop peu efficaces.


Pour toutes ces raisons, la bataille pour une réappropriation publique du secteur pharmaceutique doit être menée, compte tenu du fait que l’essentiel des recherches et découvertes au niveau fondamental se font dans le secteur public.


En résumé, nous devons promouvoir des mesures de planifications sanitaires coordonnées au niveau mondial. L’OMS doit être transformée, pour devenir une instance accessible au contrôle citoyen, et non pas une officine créant des « global partnerships » avec le secteur privé. Elle doit rompre ses liens avec l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique. Elle doit être gérée de façon non bureaucratique ni technocratique.


Ces quelques pistes ne constituent évidement pas un programme écosocialiste, mais doivent être proposées comme orientation générale dans les mobilisations du secteur de la santé mais aussi dans les luttes où cette dimension sanitaire doit être reconnue.


Gilles Godinat Groupe écosocialiste de solidaritéS/ Suisse


Rencontre écosocialiste


Alternatives face aux défis écologiques Genève 2014


Pages: [1]
WP Forum Server by ForumPress | LucidCrew
Version: 1.7.5 ; Page loaded in: 0.057 seconds.