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Topic: Contribution au débat sur le rôle des syndicats dans une perspective écosocialiste.
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Contribution au débat sur le rôle des syndicats dans une perspective écosocialiste.
on: January 22, 2014, 14:14

Contribution au débat sur le rôle des syndicats dans une perspective écosocialiste.


Dominique Malvaud NPA France

Ancien membre du CNHSCT de la SNCF et ancien secrétaire du syndicat SUD Rail de Paris St Lazare


Des écologistes ou militant-e-s de la décroissance ne comprennent pas pourquoi des salariées d’une usine de poulets en batterie et nourris aux antibiotiques se battent pour défendre leur emploi, pourquoi des ouvriers se mettent en grève pour continuer à construire des 4X4 et des bagnoles fonctionnant au diesel, pourquoi les travailleurs du nucléaire sont les plus fervents défenseurs de cette industrie mortifère. Le reproche nous est fait de ne pas "penser", de mettre en avant nos petits intérêts salariaux avant le bien de l’humanité.

Ces critiques de l’extérieur ne sont pas infondées d’autant que les appareils syndicaux utilisent des arguments inverses pour critiquer les écologistes.

Les écosocialistes vont donc devoir prouver et pas seulement en théorie que l’on peut dans un cadre de travail ou une lutte, pour défendre l’emploi, aborder la problématique de ce que l’on produit ou transporte sans se couper des salariés.

Il y a peu d’exemple c’est pourquoi il me semble intéressant de partir dans notre réflexion des tentatives qui ont déjà été faites par des militants révolutionnaires sur le sujet.

Le transport des déchets et combustibles nucléaires par la SNCF et comment dans le syndicat SUD Rail, des syndicalistes, ont réagi.

Un peu d’histoire : en 1998 la presse (Libé) publie un document de la Cogéma (devenue Areva) qui indique que 35% des transports de combustibles usés fortement radioactifs présentent des points de contamination à leur arrivée à la Hague. Le gouvernement Jospin prend rapidement la décision de stopper ces trafics et une enquête du Comité National Hygiène et sécurité (CNHSCT) de la SNCF est engagée.

Très vite la majorité des syndicats de cheminots prennent une position de défense de ces transports considérant que le transport par voie ferrée est plus sûr que la route. La seule préoccupation de ces organisations sera d’exiger une meilleure information et une meilleure protection des cheminots et se satisferont des réponses données par la SNCF, EDF, Areva et l’ASN concernant les mesures à prendre dans les centrales pour éviter ces points de contamination sur les Wagons (renforcement des mesures de sécurité dans les centrales, analyse au départ des wagons etc…)

Les CHSCT animés par des syndicalistes de SUD Rail vont aller un peu plus loin et en contact avec la CRIIRAD, chercher s’il n’y a pas d’autres problèmes que les points de contamination.  Ils vont comprendre rapidement que même non contaminés ces Wagons sont hautement radioactifs et qu’il ne faut pas stationner plus d’une demi-heure au contact de ces transports sous peine de recevoir la dose annuelle admise par les conventions internationales. Ils vont s’apercevoir que la sécurité de ces convois ne prend pas en compte des accidents ferroviaires (incendie dans un tunnel, déraillement et choc avec une circulation en sens inverse, état des voies de service etc….).

Ainsi ces syndicalistes prennent la mesure que ces transports représentent un danger pour les cheminots mais aussi pour l’ensemble des populations riveraines et cela sur l’ensemble du territoire. Si aucun d’entre eux initialement n’était antinucléaires, ils vont progressivement se rendre compte que le transport des déchets n’existe que parce qu’il y a des déchets et que ces déchets sont produits par une industrie (les centrales).

Dans la fédération SUD Rail des rencontres et débats s’organisent avec le réseau Sortir du Nucléaire. Pas des débats d’expert mais des rencontres avec les délégués syndicaux du terrain. Et lorsque le réseau commencera à demander des informations à SUD Rail sur les itinéraires des trains, leur fréquence etc… assez naturellement de la fédé aux syndicats locaux ses informations seront fournies au Réseau. SUD Rail à ce moment se pose-t-il comme antinucléaire ? Pas encore, il demande seulement un moratoire sur les transports mais considère toujours que si transport il doit y avoir il vaut mieux qu’ils soient sur le train. En effet ces transports au moment où le fret ferroviaire est en pleine décrépitude représentent une part non négligeable de l’activité de certains triages et donc des emplois.

Il faudra cinq années d’activité de CHSCT, d’informations régulières des cheminots sur les dangers de ces transports pour que progressivement, y compris dans les autres syndicats, des agents commencent à remettre en cause ces transports. Droit de retrait dans les triages et pour les conducteurs, aide, par le biais d’informations au blocage des convois par les activistes du mouvement antinucléaire, formation des élus CHSCT sur ce thème, c’est seulement 5 années après la découverte de point de contamination que la fédération SUD Rail adhère au Réseau Sortir du Nucléaire.

On perçoit la lenteur de l’évolution d’une position partant de la sécurité des salariés à un engagement plus général de refus du nucléaire et l’intense travail de fond qu’il a fallu produire sans que SUD Rail perde des adhérents. Et le débat n’est pas terminé, régulièrement des équipes locales confrontées à la baisse du trafic fret et aux baisses d’effectifs qui en résultent  reposent le problème….

Alors SUD Rail a-t-il perdu des adhérents, les élections professionnelles à cause de cette prise de position ? Non très clairement et même peut être qu’une partie de son audience renforcée provient-il de cette prise de position. Mais il aura fallu en contrepartie un intense travail de réflexion sur notre politique de transport, sur les solutions que nous proposions pour développer le fret, sur les projets nuisibles et coûteux (autoroutes ferroviaires,  TGV fret, ferroutage etc…) pour être crédibles auprès de nos collègues lors de nos campagnes contre les transports de déchets et combustibles nucléaires.

Quelles leçons tirons-nous de cet engagement antinucléaire ?

C’est très compliqué « à froid ».  Tout est fait dans l’organisation capitaliste du travail pour que les travailleurs ne puissent se poser d’autres questions que le niveau de leurs salaires et le maintien de leur emploi.

C’est très compliqué dans un  mouvement syndical bureaucratisé qui n’a que pour objectif de conserver sa place et donc de ne répondre qu’aux seules interrogations concernant les emplois et les salaires.

Mais une porte s’ouvre lors d’un accident, d’un scandale ou d’une fermeture d’entreprise. A ce moment les militants « écosocialistes » peuvent s’emparer de ces réflexions et trouver sinon immédiatement un écho mais très rapidement une écoute. Encore faut-il qu’ils le fassent, qu’ils aient les instruments de la réflexion, et une volonté politique de le faire.

C’est là qu’intervient notre travail d’aujourd’hui. Nos partis, nos organisations ont la responsabilité de préparer le cadre dans lequel nos militant-e-s ouvriers et salariés pourront puiser à ce moment-là.

Pour notre intervention ouvrière l’écologie n’est pas un sujet annexe mais bel et bien une opportunité forte de casser les carcans des bureaucraties syndicales et politiques du mouvement ouvrier, de donner aux AG de grévistes ou aux militant-e-s syndicaux une occasion de sortir de la lutte défensive en passant à une lutte de progrès social, de s’assurer le soutien de la population et des intellectuels. Prendre l’ennemi (le capitalisme) là où il ne s’y attend pas, sur des terrains ou il ne nous attend pas, les travailleurs savent assez rapidement comprendre et s’emparer de ces outils de lutte.


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