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Topic: Le changement climatique : un défi pour le mouvement ouvrier
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Le changement climatique : un défi pour le mouvement ouvrier
on: January 19, 2014, 19:39

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Le changement climatique : un défi pour le mouvement ouvrier


Manuel Gari


Le réchauffement global généré par l'action humaine n'est pas une vue de l'esprit ni une hypothèse possible : c'est une réalité. Les positions au sein du mouvement ouvrier qui ignoraient, niaient ou relativisaient l'existence même du problème n'ont plus aujourd'hui aucune crédibilité. La perception mondiale de la question du climat a changé. Tant au sein de la classe ouvrière que de manière encore plus concrète chez les syndicats. Le changement d’attitude ont été la conséquence de l’évidence scientifique et de l’expérience empirique de millions d’être humains.


1- Le principal défi environnemental pour la société


Le changement climatique représente une menace globale grave et exige une réponse globale urgente: nous pouvons encore éviter les impacts sérieux, mais nous devons commencer à agir tout de suite. Les investissements que nous ferons ces prochains dix à vingt ans auront des effets importants sur le climat dès le milieu du 21e siècle et pour les années qui s'ensuivront.

La question clef est de savoir comment nous pouvons réduire les gaz à effet de serre. Le protocole de Kyoto contradictoire et insuffisant mentionne à son alinéa 2 les éléments suivants à adopter:

– l’encouragement de l'efficience énergétique

– une meilleure gestion forestière et des politiques actives de reforestation

– la promotion des énergies renouvelables

– la réduction ou l'élimination progressives des aides fiscales et des subventions contraires à l'objectif de la Convention, ce qui suppose de ne plus soutenir les énergies conventionnelles non renouvelables

– la promotion de politiques et de mesures qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre. La limitation et /ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le transport.


Le simple accomplissement des exigences de Kyoto aurait des effets très importants sur l'activité industrielle et productive, avec des répercussions indubitables sur les classes travailleuses. Il faut également en déduire que des plans plus ambitieux et réalistes comme les contenus des accords de Bali de 2007 pour arrêter le réchauffement auront encore plus d'effet sur le monde du travail. D’autre part il faut signaler que s’il y a blocage pour réduire les émissions de gaz, il faudra plus tard, pour éviter la catastrophe, opérer des réductions beaucoup plus conséquentes, qui seront plus difficiles à réaliser et qui coûteront davantage tant sur le plan économique que social.


2- Nouveaux défis pour le syndicalisme


Le mouvement ouvrier, les syndicats –tant la direction comme la gauche syndicale organisée à l’interne comme opposition- et les partis de la gauche majoritaire mais aussi ceux de la gauche révolutionnaire n’ont pas été conscients jusqu’à récemment du problème environnemental, ni des nouvelles tâches. Le mouvement ouvrier n’a pas su se profiler dans les années soixante-dix face aux premières évidences de la crise écologique, ni n’a su être à l’avant-garde des nouvelles questions écologiques. Il n’y a pas eu de rencontre entre le vieux et le nouveau mouvement social, entre écologie et socialisme. Aujourd’hui nous sommes confrontés à un problème écologique bien plus important, mais il est encore possible de changer de cap. Pour cela il est nécessaire de reconstruire et d’enrichir le discours socialiste et d’impulser un nouveau discours syndical.

Il existe une responsabilité « commune mais différenciée » entre les pays industrialisés et le reste du monde suivant la terminologie utilisée dans les sommets mondiaux sur le climat par rapport aux émissions. Il faut signaler cette responsabilité « commune », car le futur de l’humanité dépend de l’état de la biosphère de plus en plus agressée par des phénomènes comme l’émission massive de GES. Mais il s’agit d’une responsabilité très différente entre les pays pauvres et les pays riches hautement industrialisés avec des modèles de transports comme l’automobile pour tous. On peut faire la même constatation pour l’intérieur de chaque pays. Les entrepreneurs et les gouvernements ont la responsabilité fondamentale dans la production des émissions de GES – et donc pour l’adoption de mesures, mais les classes ouvrières ont la responsabilité d’exiger la cessation d’un tel mode de production et d’agir en tenant compte de cette revendication.

Le modèle de production et de transport reposant sur la combustion des énergies fossiles n’est pas durable. Il est condamné à disparaître soit à cause du réchauffement ou à cause de l’épuisement des ressources et haut coût pour l’extraction ou en raison d’une combinaison de ces deux facteurs. La classe ouvrière a les mêmes intérêts de « survie » que tous les êtres humains et l’intérêt spécifique de faire survivre dans le temps et dans l’environnement son unique source de richesse : le travail. Cela signifie un emploi durable dans le cadre d’une activité productive durable.


3- Impacts sur l’emploi


Les effets sur l’emploi en lien avec le changement climatique sont nombreux et complexes ; ils peuvent être générés par les effets du réchauffement, par les mesures de réduction du réchauffement, par les adaptations qui en découleront, ou être les conséquences des politiques de réduction d’émission ou de substitution des sources d’énergies polluantes par des énergies renouvelables alternatives.

Les secteurs ouvriers les plus touchés par le réchauffement sont l’agriculture, la pêche, le tourisme, et l’hôtellerie dans les zones côtières chaudes et tempérées ou dans quelques stations hivernales de sports de neige.

Les secteurs d’émission concentrée seront affectés par la mise en œuvre de politiques possibles de réduction. Dans les pays qui ont déjà signé le Protocole de Kyoto, on étudie quelles sont les conséquences de ces mesures dans les secteurs de production d’énergie électrique, dans les raffineries des dérivés du pétrole, dans la sidérurgie, dans les entreprises de fabrication du ciment, dans l’industrie du papier, du verre et de la céramique pour la construction des immeubles. Les secteurs à émissions diffuses sont plus difficiles à contrôler, même s’il existe une batterie de mesures – d’efficacité douteuse- dans le cas de l’automobile, de l’aviation et des entreprises de transport.

De ce qui précède, tous les effets sur l’emploi ne vont pas dans le même sens. D’un côté on peut considérer que des emplois seront perdus si on ne réagit pas rapidement contre le changement climatique suite à la disparition des activités ouvrières – par exemple dans l’agriculture ou la pêche-, mais il faut aussi compter les emplois qu’on perdrait si certaines mesures étaient prises. Diverses estimations établissent que la perte d’emplois et de richesse sera supérieure si on n’agit pas contre le réchauffement. Il est évident que le réchauffement climatique peut générer des effets dévastateurs sur l’économie mondiale. En 2006 le rapport Stern estime les coûts du changement climatique entre 5% et 20 % du PIB mondial face à un 1% qui serait le coût des mesures de réduction si on décidait d’agir tout de suite. Autrement dit, si on n’agit pas tout de suite, les coûts globaux et les risques du changement climatique équivaudraient à au moins la perte de 5%, et pourraient atteindre le 20 % du PIB global annuel. Les investissements nécessaires pour atteindre les fortes réductions des émissions de GES s’élèvent à 1% du PIB, beaucoup moins que les coûts de l’inaction.

En outre, il faut affirmer qu’au sein des processus de changement et de remplacement des activités, la somme finale doit être calculée par rapport à la différence entre emplois perdus en raison de la prise de mesures de réduction des émissions et emplois créés grâce à l’adoption des énergies renouvelables et de manière plus générale grâce à la reconversion écologique de l’économie et de l’activité productive.

On pose l’hypothèse que le processus d’ « écologisation » de la société et la production de biens et de services est intensive en main d’œuvre, ce qui produit à la fin un solde positif d’emplois. Le problème est que cette destruction et cette création d’emplois se répercutent de manière différente selon les lieux et les temps, ce qui pose un défi tactique que les syndicats et les gouvernements doivent résoudre selon leurs responsabilités.


4- Un nouveau concept syndical : la transition juste face au changement climatique


Lutter contre le changement climatique, décarboniser l’énergie et l’activité productive est une excellente opportunité pour moderniser l’appareil productif vers un modèle de production et de consommation durable. Cela signifiera le déplacement des investissements et de secteurs d’emplois. Le mouvement syndical doit désigner sa stratégie pour assurer que le résultat net des emplois soit positif. Pour cela il est nécessaire de prévoir ces changements entre secteurs. Il est nécessaire d’anticiper les événements et de disposer de voix et d’alternatives propres face à la bourgeoisie et à ses gouvernements.

Dans la perspective de nouveaux accords environnementaux, le syndicalisme devra avoir comme objectif d’identifier précisément :

-les conséquences négatives dans chaque secteur et dans chaque pays qui pourraient en découler, en relation avec l’emploi et la justice sociale et territoriale ;

-les options les plus efficaces et les moins coûteuses du point de vue social ;

-les opportunités qu’on peut retirer pour le développement d’une nouvelle économie.


Le but des étapes précédentes est de pouvoir réaliser ce que nous nommerons une transition juste entre un modèle d’économie hautement carbonisée et un modèle de production décarbonisée. Cela suppose que ce ne soit pas la classe ouvrière des secteurs affectés par la reconversion qui paie seule «les pots cassés », mais bien au contraire que soit toute la société à travers des mécanismes politiques, administratifs et économiques nécessaires qui rendent possibles une réaffectation digne, adéquate et rapide dans de nouvelles activités productives. On peut résumer ainsi les critères en vue d’une transition juste :

-Protection de la qualité de vie des ouvriers et des secteurs les plus vulnérables : protection sociale, formation, nouveaux emplois dans les villes, etc.

-Protection de l’économie des communautés : diversification économique, ressources publiques, etc.


5- Les alternatives syndicales face au changement climatique


La classe ouvrière peut-elle jouer un rôle face au changement climatique ? Pour que le mouvement ouvrier trouve un nouvel espace dans la défense du climat, il ne suffit pas de déployer des mesures de protection de l’emploi. Le syndicalisme et la gauche doivent formuler des propositions pour combattre le réchauffement de la planète.

Les propositions syndicales doivent concerner autant les alternatives pour l’ensemble de la société que les revendications dans les entreprises et les secteurs productifs. Dans certains cas, elles rencontreront une forte opposition de la part du patronat, dans d’autres elles auront une grande audience si des avantages se dessinent. Quelques secteurs du capital seront plus ouverts si des bénéfices sont attendus, par exemple les producteurs d’énergie éolienne ; d’autres y seront totalement opposés, par exemple le secteur de la production d’énergie nucléaire. Ni les uns ni les autres n’accepteront de bon cœur le contrôle ouvrier sur les décisions environnementales stratégiques. Les intérêts de classe en dernière instance marquent les limites du jeu en terme d’accords et de désaccords.


Les lignes de travail peuvent se résumer de la manière suivante :

-Mesures d’économie et d’efficacité énergétique dans les entreprises, dans les administrations publiques et dans la société, encouragement de technologies propres et substitution des sources sales d’énergie – thermique, nucléaire, etc. par des énergies renouvelables.

-Sur le changement du modèle de transport, le mouvement ouvrier pourrait apporter, en plus de la question du transport public, collectif, propre et de qualité pour tous, un aspect particulier sur une mobilité durable pour se rendre au lieu de travail comme par exemple :

a) la réalisation de plans de mobilité vers le lieu de travail, avec une participation démocratique des travailleurs concernés reposant sur le transport en commun, la réorganisation des horaires de travail et une utilisation collective de l’automobile privée ;

b) la revendication dans la négociation sectorielle ou d’entreprise et dans les accords intersectoriels de plans pour obtenir une mobilité durable.


Les propositions doivent concerner la planification des politiques énergétiques et industrielles à l’échelle nationale ou sectorielle jusqu’aux mesures plus concrètes relatives à une entreprise concrète. Le syndicalisme doit aborder des plans très divers s’il souhaite intervenir dans la réalité sociale. Cet ensemble de nouvelles tâches seront une part essentielle des tâches dans la redéfinition du syndicalisme du 21e siècle.


6- L’écosyndicalisme est-il nécessaire ? Fondements d’un nouveau discours social


Le mouvement ouvrier n’a pas considéré l’environnement dans ses priorités, mais il a d’importantes traditions de lutte environnementale pour la défense de la santé, et aujourd’hui il existe un lien entre la défense de la santé, la sécurité du travail et la protection de l’environnement devant le risque chimique ou devant les nouveaux risques dérivés des nanotechnologies.

Au-delà de ces importantes coïncidences et convergences, les syndicats développent la conscience élémentaire du besoin de réorganiser la pensée écologique et de s’émanciper de la pensée dominante productiviste du patronat et des discours dominants de la bourgeoisie. Une minorité de syndicalistes, dont la proportion va croître selon mon opinion, est consciente des défis qui se posent face au modèle productiviste. La question du changement climatique est centrale, mais ce n’est pas le seul défi environnemental et en outre elle est proche d’autres questions, de telle sorte qu’elles se nourrissent mutuellement.

On peut énumérer comme suit les défis auxquels l’écosyndicalisme a à faire face :


1. le réchauffement global de la planète en raison des émissions de gaz à effet de serre

2. la détérioration de la couche d’ozone qui nous protège des radiations nuisibles du soleil

3. la pollution d’une bonne partie des côtes, mers et océans de la planète

4. la destruction et les atteintes aux forêts et aux lacs en raison des pluies acides

5. l’empoisonnement des rivières et des aquifères

6. la disparition des écosystèmes et l’extinction des espèces

7. la surexploitation des rivières et des eaux douces

8. la pollution croissante des sols agricoles

9. les problèmes de qualité de l’air des villes ainsi que des aires métropolitaines et industrielles

10. l’externalisation internationale vers des pays pauvres de la production sale que tolère la démagogie des gouvernements des pays industrialisés et des multinationales qui affirment exporter des formes de production propre.


En résumé, sur la base de ces constatations, on peut motiver le développement de l’écosyndicalisme sur trois plans stratégiques :

-Sur le plan général du social et de l’éthique qui place au centre de sa réflexion l’intérêt de l’espèce humaine en société et sa survie. Ce qui suppose un nouvel humanisme qui considère, comme nécessité impérieuse, la défense de la biosphère dont fait partie l’humanité et qui sert de base d’existence physique et biochimique à son existence.

-Sur le plan politique, ce qui rend possible une nouvelle vaste alliance sociale anticapitaliste qui ouvre les portes pour que le mouvement ouvrier puisse jouer un rôle de dynamiseur de nouvelles luttes et revendications.

-Sur le plan de la lutte ouvrière, parce que les progrès écologiques aident à éviter les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs et des travailleuses ; l’existence d’une bonne législation et pratique environnementale favorise la durabilité du tissu productif et du travail et oblige les entreprises à la respecter.


7- Rupture et conflit sur le chemin, une voix syndicale


L’écosyndicalisme implique non seulement une mise à distance et une contradiction par rapport à l’idéologie productiviste dominante, mais aussi le dépassement de la simple écologie de l’environnement qui met seulement en place des mesures palliatives ne remettant pas en question le modèle. Autrement dit, face à la crise écologique, le syndicalisme devra adopter des positions anticapitalistes vu que derrière les problèmes environnementaux se cache aussi le modèle d’accumulation du capital et face aux solutions nécessaires le capital n’admet pas les ingérences démocratiques des classes travailleuses ni sur le terrain de la propriété, ni sur celui de l’organisation du travail. L’écologie environnementale syndicale est compatible avec le capitalisme. L’écosyndicalisme est incompatible avec ce dernier en dernière instance et contient en puissance une dynamique anti-capitaliste. Le conflit de classes réapparaît avec de nouveaux thèmes.

Pour l’aborder, il est nécessaire de développer un discours syndical sur le développement durable indépendant de celui du patronat qui dépasse les limites de l’idéologie environnementale «officielle» qui, dans le cas de l’Union européenne, dissimule des discours antagonistes et contradictoires derrière un prétendu consensus écologique. Le paradigme de la Stratégie européenne de développement durable est de pouvoir servir à la fois Dieu et le Diable, et rendre compatible la croissance du produit intérieur brut (PIB) avec la protection de l’environnement. Pour cela il est nécessaire de développer la théorie du « découplage » entre les deux paramètres, une théorie invalidée rien qu’en faisant l’observation superficielle sur un graphique qui montre la relation entre la croissance du PIB et les émissions de GES.

Le discours écologique hégémonique dans l’Union européenne est décrit par Ulrich Beck comme une sensation universelle consensuelle dont l’argumentation repose sur l’obligation de reconnaissance formelle des problèmes écologiques pour ne pas sortir du cadre du « politiquement correct ». L’idéologie dominante sous-jacente repose selon Christian Schütze sur des demi-vérités, comme par exemple :

«Il n’y a pas de contradiction entre économie / écologie ». Affirmation qui soulève tout de suite la réflexion suivante : évidemment, c’est selon le modèle économique existant qu’il y aura ou pas des conflits avec la nature.

«Il faut croître pour financer des améliorations pour l’environnement ». Ce qui n’est simplement qu’un slogan publicitaire cache le fond de la question : plus de croissance, plus de dégâts, et donc à davantage de dégâts, des besoins augmentés de réparation et plus de business de « réparation ».

« Le progrès technique est la solution ». Nous nous trouvons une fois de plus devant l’optimisme technologique irrationnel. Les mesures technologiques sont nécessaires, mais non suffisantes pour arrêter la crise écologique et, dans le cas du changement climatique, elles sont ouvertement inefficaces, en plus d’être insuffisantes, pour arrêter isolément le réchauffement en cours.


Dans le discours hégémonique, on reconnaît un rôle réel, à propos des questions environnementales, aux gouvernements et aux entreprises,et un rôle formel aux associations de consommateurs et dans certaines occasions aux organisations non gouvernementales écologistes et aux citoyens de manière très limitée.

Mais jamais on ne nomme, ni on ne tient compte de la classe ouvrière, des travailleurs qui occupent une place dans la production et sont ainsi les premiers concernés par la résolution des problèmes que celle-ci génère. On pourrait dire qu’il y a une invisibilité écologique du mouvement ouvrier. En partie, parce qu’on le rend invisible à partir du pouvoir politique et économique, en partie parce qu’il s’est lui-même rendu invisible. Jusqu’à aujourd’hui, la classe ouvrière a été ou bien absente du débat écologique (indifférente) ou en accord avec les patrons (productivisme) ou intéressée au même niveau que les citoyens. Récupérer de la voix sur cette question est une tâche centrale pour le mouvement ouvrier.

La classe ouvrière et ses organisations syndicales et politiques doivent développer des contenus selon un agenda de débats qui aborde les cinq dimensions du développement durable : écologique, social, économique, politique et éthique.

Celle écologique puisque la biosphère est la base de la vie et que notre survie en dépend, ce qui signifie connaître et respecter les limites de la nature et la capacité de charge de l’environnement en déchets, en pollution et donc de choisir les activités qui cadrent avec la durabilité.

Celle du social puisque le but du mouvement ouvrier est d’obtenir la satisfaction des besoins humains et d’installer la justice et l’égalité, en considérant que la biosphère est la base de l’activité humaine de production et de reproduction.

Celle de l’économie qui est un instrument au service de la dimension sociale et qui doit être compatible avec l’écologie. Cela exige d’ « écologiser » la proposition économique face au capitalisme et très concrètement face au néolibéralisme dominant, qui réduit tout à la valeur de marchandises et adopte comme valeur centrale le critère du gain, ce qui conduit au productivisme qui se déguise entre optimisme technologique et économie politique classique.

La politique qui implique le développement de la critique, de la pensée et de l’action et donc la consolidation, le renforcement et le dialogue entre écologie politique, économie écologique, écosocialisme, écosyndicalisme.

L’éthique qui exige des solutions aux relations inégales et non durables entre le Nord riche et le Sud pauvre, mais qui exige également des solutions de solidarité intergénérationnelle.


8- L’objectif d’une production propre. Le programme écologique écosyndical


L’objectif stratégique est la production propre, ce qui signifie l’abandon du modèle de production à cycle ouvert qui nuit et épuise le patrimoine des ressources naturelles, qui est hautement polluant et parfaitement inefficace pour la conservation de biens matériels et de services utiles. Cette production propre suppose :

la durabilité dans l’utilisation des ressources naturelles (eau, matières premières, sol, etc…) en minimisant leur emploi et en choisissant des matières premières renouvelables ce qui exige une gestion rationnelle ;

l’existence de processus productifs énergétiquement efficients, de technologie propres et des méthodes d’organisation du travail qui permettent l’optimisation des ressources employées ;

la maximisation des biens et services, en éliminant -et si ce n’est pas possible en minimisant des déchets, émissions en évitant l’inefficience productive qui suppose leur production.


De plus en plus, la production propre est à mettre en relation avec la santé publique, la santé des ouvriers et la justice dans l’accès aux ressources, ces quatre aspects demandent régulation et planification. En cela également, elle entre de plus en plus en collision avec ce qui précède en raison de la logique du marché.

Dans l’action syndicale pour une production propre, on retrouve la vieille lutte connue du mouvement ouvrier pour obtenir des réformes sans sombrer dans une stratégie « réformiste » qui empêche de nouveaux questionnements et avancées ou qui fasse perdre les buts stratégiques. Ce qui est nouveau et spécifique de l’action écosyndicale indépendante du patronat, c’est que les réformes sont urgentes et que l’adoption de mesures ne souffre aucun retard. La crise écologique est là.

Le champ d’action de l’agir syndical, est celui de la politique générale (mondial, européen, national, régional et local), le sectoriel, les entreprises et le travail. Aujourd’hui les politiques industrielles sont traversées par les politiques environnementales et il reste un important champ de travail dans la lutte pour une législation environnementale adéquate.

Dans cette perspective, l’action syndicale pour une production propre se base sur divers types d’outils : plateformes revendicatrices, plan de mesures d’économie et d’efficience énergétique, et mise en œuvre du principe de précaution et de prévention, interpellation pour installer des technologies propres, exigence de mise en place des systèmes de gestion écologique et de gestion des déchets, reconsidération sur le type de biens et de services socialement nécessaires et utiles, réflexion sur une augmentation de l’utilisation des services collectifs et une diminution des biens matériels en propriété privée, etc.

L’action syndicale recouvre une grande variété de propositions : depuis la demande pour les énergies renouvelables, comme le solaire, l’éolienne, la biomasse, etc… jusqu’à l’exigence de prévenir la pollution et son contrôle une fois qu’elle existe. Tout cela débouche sur la gestion parcimonieuse des ressources par un usage économique de l’eau, de l’énergie et des matières premières, l’élimination de la consommation de substances toxiques et dangereuses dans les processus productifs ou la diminution de déchets en favorisant ceux qui sont recyclables ou récupérables. Parmi toutes ces propositions, il faut débattre de la réforme écologique de la fiscalité sans éliminer les cotisations et les impôts sociaux.


9- Ultimes considérations : les nouveaux droits syndicaux


L’action syndicale écologique implique la participation active des travailleurs/eusses et de ses organisations dans l’information aux entreprises, cela demande une formation particulière et une nouvelle génération de droits syndicaux, ainsi que la reconnaissance de compétences à la représentation des travailleurs qui permettent et rendent possible l’intervention syndicale dans un domaine qui lui a été refusé jusqu’à maintenant.

Finalement, il s’agit à nouveau de questions de démocratie de base vitale pour le mouvement ouvrier, cette fois à travers la question écologique. Une société égalitaire d’hommes et de femmes libres en harmonie avec la nature constitue l’objectif final de la lutte pour le socialisme ; en ce sens, la participation directe de la classe ouvrière aux décisions qui les concernent est indispensable. Que produire, pour qui, quand et comment le faire sont les questions qui nous préoccupent. Ces questions dessinent le contour d’une démocratie participative directe.


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